© Desgagné, S. et Gervais, F. (2000).

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Préambule : Technicien en éducation spécialisée, c’est ma première formation. Elle me colle à la peau comme un vêtement taillé sur mesure. C’est peut-être pour ça qu’une fois devenu enseignant, le bien-être des jeunes a été pour moi une priorité. Les programmes pédagogiques ? C’est important, mais pas autant « qu'être bien dans sa peau » C’est probablement ce qui m’amène à vous raconter un peu la vie de Michel, jeune homme qui déteste l’école, qui se déteste. Alors les apprentissages... L’année scolaire que j’ai vécue avec lui m’a convaincu de ne jamais abandonner un jeune. Tous les jeunes ont du potentiel ; s'ils le cachent, à nous de le découvrir.

TITRE: ÊTRE BIEN DANS SA PEAU

L'élève que j'ai choisi, Michel, en était à sa troisième année à cette école, c’est-à-dire une troisième année en adaptation scolaire (1) ; il détestait l'école. Michel avait 12 ans au début de l'année, mais il n'était pas loin de ses 13 ans. Pour son âge, il était grand et grassouillet. En plus d'avoir une attitude nonchalante, il était malpropre et sentait mauvais ; pour lui, c'était ça son image. Les autres lui disaient qu'ils ne l'aimaient pas : « On sait bien, il y a jamais personne qui m'a aimé. » C'était toujours sa rengaine, il haussait les épaules en disant : « Fiche-moi donc la paix ! », ou des choses comme ça. Il avait beaucoup de difficulté à travailler en équipe : « Je ne peux pas faire d'efforts, les autres ne m'aiment pas. » C'était l'image qu'il se faisait de lui ; il arrivait avec du linge trop petit, un gilet qui lui montait au-dessus du nombril, le pantalon en bas du nombril, tout croche ; il se tenait mal. Quand c'était la récréation, il cherchait l'endroit le plus isolé de la cour et c'est là qu'il s'en allait tout seul ; Michel tournait en rond, il passait le temps. Moi, ce que je voulais c'était changer tout ça.

C'est un enfant que j'avais remarqué dans l'école avant même de l'avoir dans ma classe. Dans la cour d'école, j'étais déjà intervenu à certains moments et Michel était un enfant avec qui je n'avais pas réussi à créer de contacts significatifs. Je le connaissais, il me connaissait un peu aussi, sauf qu'il restait toujours un petit peu méfiant, distant. Il n'y avait pas de vrai contact d'établi entre nous deux ; des enseignants aussi m'en avaient parlé.

Tout de suite en début d'année, j'ai apporté des précisions sur le respect des autres. Quand je suis intervenu au début, je ne voulais pas le viser, il était assez identifié ; j'avais un plan. Je me disais : « Je vais commencer tranquillement par établir des balises sur le respect pour y revenir de façon générale. » C'était un objectif que j'avais, avant même que les élèves n'arrivent en classe. Je savais qu'il y en avait qui étaient toujours en train de provoquer cet élève-là ; j'avais identifié des choses au départ.

J'ai créé un lien significatif avec lui, ce qui semblait nouveau pour lui, parce que plus tard, quand on était assez près pour avoir des bonnes discussions, il a dit : « Je n'ai jamais aimé ça l'école. Il n'y a jamais un prof... » Ça, ça m'a touché : « Il n'y a jamais un prof qui m'a touché. » Le prendre par le cou, lui mettre la main sur l'épaule, c’était des gestes que je posais. Parfois, quand il travaillait et qu’il était appliqué, je passais près de lui et je lui passais la main dans les cheveux pour le féliciter ; ce n'était pas toujours évident. Il avait les cheveux sales, gras, mais je savais, raison de plus, qu'il en avait besoin. Il n'était pas invitant. C'est facile de le faire pour un enfant qui est propre, bien habillé, qui s'est lavé les cheveux le matin et qui a pris sa douche. Mais quand c'est un enfant qui a les cheveux tellement sales qu'ils tiennent tout seuls, lui toucher, ce n'est pas facile. Mais je trouvais que ça faisait partie de mon travail et qu'il avait sûrement besoin d'un contact physique comme celui-là. Plus tard, j'ai su que ça l'avait surpris beaucoup et que ça l'avait touché aussi. Donc, ça ne s'est pas fait pour rien.

Je lui donnais de l'importance ; j'ai commencé aussi à le valoriser (2) aux yeux des autres. Si, par exemple, je m'apercevais qu’un travail en français était bon, je lui demandais pendant la correction : « Michel, veux-tu nous dire la réponse ? » Parfois, en circulant dans les rangées, je pouvais me promener de l'un à l'autre et je remarquais que les numéros 1, 4, 6 étaient bons ; je les retenais et je lui demandais les réponses de ces numéros. Les autres ont commencé à changer un petit peu d'attitude, ils le regardaient en voulant dire : « Hein, il l'a eu ! » C'est un élève que j'observais beaucoup du coin de l'œil et je remarquais qu'il se tenait un petit peu plus droit sur sa chaise ; il était un petit peu plus attentif, je le remarquais de temps en temps. Lorsque je donnais des explications, je voyais que ça ne le laissait pas indifférent. Je savais, sans qu'il me le dise, que j'étais tranquillement en train d'établir un contact significatif avec lui ; je sentais fondre un peu sa méfiance, juste à la façon dont il se tenait sur sa chaise. Les attitudes ont commencé à changer tranquillement ; je dis tranquillement, mais ce fut quand même assez rapide. Le gros du travail s'est fait en septembre et octobre. Je ne laissais pas passer les remarques négatives des autres face à Michel (3), sans aller au fond des choses : « Pourquoi tu lui as dit ça ? »

À un certain moment, à la récréation, il a bousculé un petit ; quand Michel sortait, grand et gros comme il était, il prenait de la place ; il n'avait aucune délicatesse. C'étaient des petits de première année qui étaient là et Michel, quand il passait, en bousculait deux ou trois. Après, il disait : « Je n'ai pas fait exprès. Ils avaient juste à pas être là. » Quand j'en reparlais avec lui, il me disait qu'il ne voulait pas leur faire mal ; il avait son image à protéger parce que, quand il faisait ça, personne ne l'ignorait. Je pense que la pire chose, pour n'importe quel enfant, c'est d'être ignoré. À un autre moment, ça a été délicat : il y en a un qui lui a dit : « Tu pues. » Je suis intervenu : « Qu'est-ce que tu pourrais lui dire à la place ? » « Qu'est-ce que tu veux que je lui dise ? Il pue, je ne suis pas pour lui dire qu'il sent bon ! » « Est-ce que tu pourrais lui dire de manière moins blessante ? » Je les amenais à parler à Michel, de façon plus positive et ils lui disaient : « ... Écoute, tu sens mauvais, je n'aime pas ça. Si tu te lavais, on n'aurait pas besoin de te dire que tu pues. » Je les amenais à verbaliser. C'était long parfois : « Qu'est-ce que tu as voulu dire ? Bon, on reprend. Là, tu as fait ça. » Je les amenais bout par bout, mot à mot, à dire de façon acceptable ce qu’ils avaient à dire. Alors je retournais vers lui : « Michel, comment tu prends cela ? Peut-être que tu peux changer quelque chose. » Il devenait confus, il ne comprenait pas trop, sauf que je savais que ça laissait des petites traces.

Un peu plus tard, une situation semblable s'est produite ; cette fois, intervenir avec le groupe n'était plus suffisant. Je voulais aller plus loin avec lui ; je considérais que le groupe faisait un bout de chemin; les élèves étaient moins sur son dos. Le groupe faisait un pas, mais il ne pouvait pas continuer si Michel ne faisait pas son bout de chemin. Donc, j'ai décidé de le prendre à part pour lui faire voir ce qu'il en était et le faire avancer là-dedans. Ce que ça donnerait exactement, je ne le savais pas trop, mais ce que j'espérais beaucoup, c'est qu'il y ait une prise de conscience et qu'il s'aperçoive que lui, il avait un pouvoir là-dessus ; ça a été très cru, j’ai mis les points sur les i. « Tu pues, tu es sale, tu n'es pas ragoûtant. Tu ne te laves pas les cheveux. » Il fallait que Michel le reçoive tel que c'était perçu par les autres. J'ai aussi abordé sa façon d’entrer en relation avec les autres : « Les autres se plaignent de ton apparence, tu bouscules les petits. Quand tu passes, tu bouscules tout ; parce que tu es gros, tu prends beaucoup de place, même plus que ta grosseur. Parce que tu ne te laves pas, tu sens mauvais. Les autres te le disent et tu laisses faire ça. Qu'est-ce qu'on va faire ? » Il a pleuré beaucoup, il était découragé : toute son image négative, il l'a reçue en pleine face. Il ne l'a pas seulement vécue, il a verbalisé tout ce qu'il y avait de négatif. « Il y a jamais personne qui m'a aimé. Il y a personne qui s'occupe de moi. » Il a eu à peu près la réaction que j'attendais dans le fond : il a pleuré beaucoup, il s'est dévalorisé beaucoup, mais le « méchant » est sorti. Après, j'ai pu reprendre point par point : « Tu peux faire quelque chose. Quand les autres disent que tu pues, c'est vrai, tu pues. Mais quand tu dis que tu n'y peux rien, ce n'est pas vrai, tu y peux quelque chose. Qu'est-ce que tu pourrais faire ? »

Ça a été long avant qu'il arrive à dire : « Bien, je peux prendre ma douche. » Il y avait une espèce d'agressivité qui sortait. Ça m'a rendu heureux : « Tiens, il réagit. » Je ne suis pas allé beaucoup plus loin à ce moment ; c'était le point qui dérangeait le plus le groupe et c'était ce que je voulais voir changer en premier. De fait, le lendemain matin, il est arrivé les cheveux propres ; c’était un changement apparent. J'ai même fait exprès de le mentionner : je parlais de couleurs, pour faire remarquer qu’un tel a les cheveux telle couleur, par exemple, Michel a les cheveux bruns, pour que les autres le regardent et qu’ils se rendent compte du changement. Il s'apercevait de plus en plus qu'il avait un rôle à jouer dans l'image que les autres avaient de lui ; Michel s'est aperçu que s'il faisait certaines choses, ça amenait des agissements chez les autres. Il a commencé, tranquillement, à se mêler un petit peu plus aux autres, à travailler en équipe et les élèves le laissaient davantage s'installer près d'eux dans l'autobus.

À cette époque, j'avais un beau budget pour les activités éducatives. Je faisais une classe rouge à l'automne : quatre jours de ski alpin en février et à la fin de l'année, on avait une classe nature. Tout au long de l'année, on a senti l’intégration de Michel dans ces activités. Il y avait aussi la petite ouverture que je sentais par les petits coups d'œil en coin ; ce sont des choses qui parlent beaucoup. Le fait qu'il accepte que je lui mette la main sur l'épaule, que je lui passe la main dans les cheveux, pour moi c'étaient des petits signes... Je le faisais pour qu'il sente en même temps l'intérêt que je lui portais, parce que pour lui, je pense que c'était quelque chose d'assez nouveau, de voir quelqu'un qui s'intéresse à lui... malgré lui.

Un jour, Michel était absent ; on devait être vers la fin de novembre. J'en profite alors pour aborder le sujet de ses problèmes avec le groupe. J'avais déjà pensé que ce serait bon de discuter en groupe, sans qu'il soit là, pour que les jeunes disent vraiment tout ce qu'ils avaient à dire et qu'ils se sentent à l'aise de le faire, mais de façon positive ; que ce soit un échange profitable. Parfois je me disais : « Il faudrait que je l'envoie dans un autre groupe faire quelque chose pendant une demi-heure, trois quarts d'heure, j'en profiterais alors pour avoir une bonne discussion de groupe. » Mais ça ne me satisfaisait pas, parce que je pensais : « Il peut revenir durant ce temps-là, ne serait-ce que pour venir chercher un crayon. Les autres vont arriver à la récréation et vont dire : Hé, on a parlé de toi. » J'avais peur de ne pas avoir le temps de finir ce que j'aurais commencé. Donc, cette journée-là, j'en ai profité.

J'ai écrit son nom au tableau et j'ai fait deux colonnes : l’une « ce que je n'aime pas de Michel » et l’autre « ce que j'aime de Michel. » J'ai dit : « Tout ce que vous pensez, je veux le savoir. » Du côté « j'aime » il n'y avait rien et du côté « je n'aime pas » il y avait plein de choses. Il y avait beaucoup de préjugés : il sent mauvais, il est brusque, il est bête avec les petits, il ne joue jamais à la récréation, quand il travaille en équipe il a l'air bête, quand on n'est pas d'accord avec lui, il nous envoie promener, quand ça ne fait pas son affaire, il s'en va plus loin. Il y a eu plein de choses, des choses très négatives. J'ai pu dire : « Il y a des choses qui ont changé là-dedans. » Je suis revenu à la propreté, parce qu'au début de l'année, c'était le gros point. Ils ont répondu : « Oui, c'est vrai. » J'essayais de les amener à trouver quelque chose de positif. Ça a été difficile, mais finalement, il y a quelqu'un qui a dit : « Quand on fait du français, surtout en écriture, il se débrouille assez bien, il a souvent des bonnes réponses. »

Après quelqu'un a ajouté : « L'autre jour en mathématiques, il a fait telle chose... » Ils se sont mis à chercher du positif. Ils en ont trouvé du positif, même dans les choses qu'il ne faisait pas. Par exemple : « Hier, à la récréation, il n'y a personne qui s'est plaint qu'il l'avait poussé. » J'étais content, ils montraient une ouverture d'esprit, j'en rajoutais un peu aussi ; je voulais vraiment qu'ils essaient de faire un portrait, qu'ils s'aperçoivent qu'il était capable d'avoir des choses positives.

Après ça, j'ai dit : « Bon maintenant, vous vous appelez Michel, vous êtes lui, ça (en montrant le tableau) c'est la façon dont les autres vous voient. Vivez-le pendant une minute, puis essayez de me dire comment vous vous sentez. Lisez ce qui est écrit au tableau puis dites-moi : Comment vous vous sentez ? » J'ai senti des ravalements un petit peu pénibles, puis j'ai vu des yeux s'agrandir. « Imaginez que le cadran sonne le matin chez lui : Michel, il faut que tu te lèves, tu t'en vas à l'école retrouver les autres. » On a travaillé beaucoup là-dessus, ils se sont vraiment sentis mal en étant à sa place ; j’ai beaucoup insisté sur cet aspect. J'ai fait le lien avec leurs problèmes, parce qu'eux avaient chacun leurs problèmes : pour l’un, c'est de l'agressivité, pour un autre, c'est de la nonchalance, etc. On a discuté des problèmes de tout le monde (4). Il y avait des plus sensibles aussi, qui ne faisaient absolument rien pour le rejeter ; eux autres, ils trouvaient ça plus difficile.

À un moment donné, quelqu'un a dit : « Il faudrait l'aider. » C'est une porte que je me suis empressé d’ouvrir : « Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'aider ? Est-ce que vous êtes capables de l'aider ? Pensez-vous avoir la patience qu’il faut ? Ça demande beaucoup de patience, vous savez comment il est, Michel. Vous l'avez dit : quand il arrive avec son mauvais caractère et qu’il se met à bougonner..., allez-vous continuer à l'aider quand même ? » « Ah, oui ! » Le groupe était très motivé : « Comment on va réagir face à lui ? » Finalement, ce qu'on a retenu, c'est que le matin, à son arrivée, on va prendre la peine de lui dire bonjour, de l'inviter à jouer à la récréation ; on a sorti des petits moyens comme cela. Quand il est arrivé, de fait, les autres lui ont dit bonjour. Il a répondu bonjour, mais en semblant se dire : « Voyons, qu'est-ce qu'ils ont ce matin ? » Je ne suis pas revenu là-dessus, je n'en ai jamais reparlé avec le groupe et jamais un élève du groupe n'a dit à Michel : « On a parlé de toi. » S'ils l'ont dit, en tout cas, je ne l'ai jamais su ; je trouve que c'était une marque de respect, on a fait quelque chose pour lui, mais on n'a pas besoin de tout lui raconter. Il y a eu beaucoup d'efforts aussi pour éviter de lui faire de la peine. Il s'est intégré un petit peu plus au groupe, donc les autres ont commencé à lui porter un petit peu plus d'attention ; Michel a bien réagi. De temps en temps, je lui faisais des petites remarques quand il répondait sec aux autres. Je me permettais de lui dire : « Michel, si tu as quelque chose à lui dire, dis-lui donc sur un ton de voix qui soit plus acceptable. »

J'ai décidé d'aller rencontrer la famille ; j'ai téléphoné souvent, j'aurais aimé rencontrer les deux parents, mais le père était toujours absent. Mon objectif était de valoriser Michel face à sa famille ; il se faisait des grands pas dans le groupe. Je trouvais qu’en ce qui concerne la famille, il fallait qu'il se fasse des grands pas aussi. Je savais que les parents avaient noté des changements parce que, de temps en temps, j'envoyais un mot de félicitations, je téléphonais chez lui. À quelques reprises, la mère avait mis un petit mot de félicitations dans le bas d'un travail qu'elle signait. J'offre toujours aux parents : « Si vous ne pouvez pas vous déplacer, je peux me rendre chez vous. » Je trouve ça intéressant pour l'enfant aussi, car généralement, les enfants sont fiers de nous amener chez eux. Puis, il y a des parents qui se sentent mal à l'aise à l'école et cette mère était de ceux-là. Quand tu crées des liens avec les parents, ça joue à ton avantage et à l'avantage de l'enfant aussi. Je savais que la mère m'appréciait, qu'elle était contente de me recevoir chez elle. Quand j’y suis allé, d'abord j'ai eu une surprise en entrant dans l'édifice à logements : ça sentait mauvais. Lorsque je suis entré dans l'appartement, j'ai compris beaucoup de choses : c'était très, très malpropre dans la maison. Je comprenais maintenant le fait qu'il arrive à l'école malpropre. Je comprenais que toutes les bases d'hygiène que je lui donnais en lui disant : « Prends ta douche ! Lave-toi les cheveux ! », Michel ne les avait jamais eues. Ce n'était pas de la mauvaise volonté de sa part, ce n'était pas de l'autodestruction, parce qu'à un certain moment, je me disais : « C'est de l'autodestruction. » C'est son milieu familial qui était comme ça ; ce fut vraiment un choc. Le morceau était plus gros que je le pensais et j'étais content de ne pas l'avoir vu avant, parce que ça m'aurait peut-être découragé un peu. Je n'aurais peut-être pas osé aborder, par exemple, le sujet de la propreté, je ne lui aurais peut-être pas dit : « Demande à maman comment fonctionne la laveuse, puis lave ton linge. » Finalement, j'étais content de ne pas avoir vu ça avant. La mère a été très gentille, très ouverte, elle avait noté beaucoup de changements chez Michel. « Maintenant, il ne me dit plus qu'il ne veut plus aller à l'école. Avant, c'était tout le temps : Non, je ne vais pas à l'école. Avant, il fallait que je me chicane tous les matins avec lui pour qu'il se lave. Maintenant, il se lave tout seul, il se fait à déjeuner puis il s'en va à l'école ; je n'ai pas besoin de le pousser dans le dos. La fin de semaine, il est moins agressif. Je ne me chicane plus pour lui faire faire ses devoirs. » Donc, elle avait noté plein de changements et elle me dit : « Il a l'air plus heureux. Il a l'air mieux. » Pour moi ça, c'était très, très significatif. Michel était présent, je parlais de lui de façon positive devant sa mère ; j'ai jasé un bon 45 minutes avec elle. On a parlé aussi un peu de tout et de rien et Michel s'est mêlé à la conversation. Ça a été quelque chose de quand même enrichissant. J'ai parlé un petit peu de la propreté de ses cahiers, qu'il fallait qu'il fasse attention parce qu'il y avait souvent aussi des taches de graisse, de moutarde ou de n'importe quoi sur ses cahiers. Il faisait ses devoirs dans la cuisine et la table était malpropre, mais ça, je donnais la responsabilité à Michel ; je voulais le responsabiliser. Je n'ai pas donné de responsabilité à la mère face à ça. Elle, je lui ai dit : « De vous, ce que j'attends c'est telle chose. » Je ne me rappelle pas exactement, mais je sais que je lui avais demandé, par exemple, qu'elle encourage Michel. « C'est lui qui est responsable de ses devoirs, vous n'avez pas à le suivre comme un petit bébé. » Je savais qu'elle ne le faisait pas de toute façon, mais en même temps, ça lui enlevait probablement quelque chose sur les épaules. Je ne voulais pas non plus qu'elle se sente coupable, la culpabilité ne mène nulle part dans ces cas-là. Je lui disais : « Michel sait ce qu’il a à faire. » « Ah, oui ? » « Oui, j'en ai parlé avec lui, c'est sa responsabilité. » Je sais qu'après, et j'ai pu le vérifier, la mère a continué à le valoriser, à l'encourager et à être fière de lui.

Je n'ai pas fait de retour sur cette visite avec Michel. Par la suite, il m'a parlé un petit peu plus de sa famille. Parfois, il me disait : « Ma mère a dit telle chose. » Ce que j'aurais voulu, c'est que les parents s'impliquent davantage, qu'ils le secondent davantage, mais je me suis aperçu, et c’est peut-être un préjugé, que toute la famille avait des limites et je ne voulais pas dépenser de l'énergie là-dessus. C’est la seule fois où je suis allé rencontrer la mère à la maison. Par contre, elle est revenue une fois ou deux durant l'année ; elle prenait la peine de se déplacer, ce qu'elle ne faisait pas avant. Elle se sentait, elle aussi, moins menacée. Je pense que j'ai bien fait de ne pas avoir insisté auprès d'elle pour la propreté et tout ça, parce que je crois qu'à ce moment-là, elle se serait peut-être sentie jugée. L'attitude que j'ai employée, finalement, a fait qu'elle ne s'est pas sentie jugée et elle n'a pas eu à se protéger ; il y a eu une ouverture de ce côté. Par contre, du côté du père, je n'ai jamais eu de collaboration : je ne l’ai jamais rencontré, il ne s'est jamais manifesté.

De mon côté, j’ai encouragé Michel à jouer avec les autres à la récréation. « Si tu n'es pas capable de jouer au soccer, qu'est-ce que tu pourrais faire d'autre ? Tu pourrais peut-être être gardien de but ? Essaie cinq minutes, si tu n'aimes pas ça après cinq minutes, tu t'en iras. » De temps en temps, je sortais jouer à la récréation, je lui disais : « Viens donc, viens jouer. » Je le poussais un petit peu, un petit coup d'épaule, un petit coup de coude : « Viens t'en ! » Je le prenais par les épaules et je le poussais sur le ballon. « Non, non, non, je veux pas ! » qu’il me répondait, mais avec le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Après ça, il sortait du jeu, mais il n'allait pas loin. Michel restait tout près du jeu, il parlait avec d'autres ; ce n'était plus le petit gars caché tout seul dans son coin. Il restait dans l'aire de jeu et il se promenait un petit peu d'un groupe à l'autre. Je dirais qu'à partir du mois de janvier et ce, jusqu'en juin, je n'ai reçu aucune plainte des petits de première ou deuxième année disant que Michel les avait bousculés.

Par la suite, tout s'est enchaîné, et de janvier à juin, ce fut beaucoup plus facile ; il s'est finalement bien intégré au groupe. Il se sentait bien dans ce groupe qui le rejetait au début, mais qui a fini par l’accepter et à l’aider dans son cheminement. Michel le verbalisait aussi et à la fin de l'année, c'est un enfant qui est parti en pleurant parce qu'il avait de la peine de quitter l'école. Il s'en allait au secondaire et je lui ai dit : « L'an prochain, tu viendras faire un tour, tu ne restes pas loin. Quand tu auras des congés, viens faire un tour à l'école. » L'année suivante, il est revenu à quelques reprises en début d'année, puis les visites se sont estompées. La dernière fois que j'ai eu des nouvelles, c’est lui qui m'a téléphoné : il était rendu à 16 ans. Ça faisait trois ou quatre ans qu’il était au secondaire. On a jasé, il gardait (ce qui m’a fait plaisir) un bon souvenir de son école.

C'était le cas de Michel. Pour moi, c'était un peu comme un défi, parce que je savais comment était cet enfant avant qu'il entre dans la classe. Je m'étais dit : « Il faut que cet enfant soit heureux. » (5) Je n'ai pas abordé la réussite scolaire, mais il a fait beaucoup de progrès, là aussi. Comme il se faisait davantage confiance, il était plus valorisé, il était beaucoup plus appliqué dans son travail et sans que ce soit devenu un élève modèle, il y a eu une très nette amélioration dans son travail.

C’est tout un groupe, cette année-là, qui a fait des pas de géant. Je pense que toute l'attention que j'ai donnée à Michel, les autres l'ont perçue comme de l'attention que je pouvais leur donner à eux aussi quand ils en avaient besoin. Le changement de Michel en a amené d'autres : parmi les douze élèves, il y en avait cinq ou six qui ont fait de très gros progrès durant l'année.


1- Cet enseignant nous livre sa vision de l’adaptation scolaire

Les enseignants d'adaptation scolaire sont habitués à des élèves plus actifs, plus grouillants. Nous sommes devenus un peu des personnes-ressources pour les enseignants du régulier. Quand un élève de leur groupe leur causait des problèmes, souvent ils venaient nous voir et nous disaient : « J’ai tel élève qui fait telle chose, qu'est-ce que tu ferais avec ça ? » On avait un bon climat, et cela profitait à tous. À un certain moment, on a organisé des ateliers et on allait chercher des élèves du régulier pour les joindre à nos élèves. Cela a eu comme effet d'être bien perçu dans l'école, nous n'étions plus des gens menaçants. « Ils sont capables de contrôler leur groupe, leurs élèves viennent pas battre les nôtres. » Pour certaines sorties, par exemple au Musée de la civilisation, une classe d'adaptation scolaire se joignait à une classe du régulier et souvent, lorsque les gens savaient qu'il y avait une classe d'adaptation scolaire, ils n'étaient pas capables de dire quel élève était en adaptation scolaire et lequel était au régulier, tellement il y avait une bonne chimie entre les deux groupes. On travaillait fort de ce côté-là et, pour que cela fonctionne, il fallait aussi qu'on ait un bon contrôle sur notre groupe. Quand je dis contrôle, ce n'est pas le prof qui est en haut, qui domine, qui contrôle son groupe par la force ou la menace, mais c'est quelqu’un qui amène le groupe à se contrôler ; il y avait plusieurs autres moyens pour motiver les jeunes. S'ils étaient bons dans les sports, on organisait des activités dans lesquelles on savait qu'ils excelleraient. Un autre était bon à l'ordinateur, on l'envoyait donner un coup de main quand les élèves de première année allaient au local de l'informatique. Un autre était bon en lecture, il allait lire une histoire aux enfants de maternelle. On trouvait des situations où chacun et chacune étaient valorisés et où ils entraient en contact avec d'autres élèves. Les autres élèves apprenaient ainsi à apprécier ces « petites terreurs. » Lorsqu'un élève d'adaptation scolaire se retrouvait à la récréation, ce n'était pas : « Regarde le niaiseux des classes spéciales. » Les élèves le connaissaient, l'appelaient par son prénom et allaient le voir. C’était devenu celui, celle qui vient m’aider pour telle ou telle chose. Donc, ces jeunes d’adaptation scolaire étaient beaucoup moins agressifs après quelques semaines, parce que tu n'es pas agressif envers des personnes qui t'aiment et qui te respectent.

2- Voyons les moyens qu'il utilise pour mettre en application ses valeurs éducatives : le respect, l'estime de soi, la valorisation...

Je travaille beaucoup sur la valorisation et l'estime de soi ; l'image que tu présentes aux autres est très importante. Je n'accepte pas qu'un élève dise : « Je suis nouille, je ne vaux rien. » Ce sont des paroles que je n'accepte pas et je travaille très fort là-dessus. Pour l’estime de soi, j’utilise certains moyens pour que l’élève se rende compte qu'il a des qualités. Des défauts, ça c'est facile, tout le monde les voit en premier, mais tu as aussi des qualités et tu vas les développer. Pour la valorisation, souvent j’utilise le côté pédagogique : par exemple, je leur donne des travaux un peu plus faciles pour les amener à apprécier la réussite, les amener à se dire : « Je suis capable. » Ils fournissent plus d’effort, donc ils réussissent davantage ; cela devient une roue qui tourne de plus en plus vite. Quand je corrige, au lieu de dire : « Celui-ci est mal, celui-là aussi... », je leur fais remarquer : « Regarde ce numéro est bon, celui-là aussi... bravo ! continue ! » Je ne mentionne pas ceux qui ne sont pas réussis ; ils savent qu'ils ne les ont pas réussis, mais je ne mets pas d'importance là-dessus. Ainsi, peu à peu, ils prennent goût au travail et à l'effort. D'eux-mêmes ils disent : « Celui que je n'ai pas, comment est-ce que je pourrais faire ? » et je réponds : « O.K., je vais t'aider. » De cette façon, on les amène à voir le travail de façon positive et ils comprennent que l'échec n'est pas grave, que c’est quelque chose que je peux apprendre à contrôler si j’y mets le temps. Je leur dis souvent aussi qu'un échec, c'est quelque chose qui nous permet d'aller plus loin ; ça nous en prend parce que le jour où on n'en a plus, on reste assis sur nos lauriers et on n'avance pas. Mais tout ça, c'est une philosophie de l'éducation que j'avais, que j'ai toujours et qui se vit par des gestes concrets, par des paroles ; je pense que les jeunes le sentent aussi.

Les élèves ont à se respecter et j'ai, moi aussi, à les respecter. Ce qui fait que, quand je parle à un élève, c'est toujours de façon très respectueuse, le plus positivement possible. Souvent, j'écris un mot aux parents aussi pour leur dire : « Aujourd'hui, je suis content du travail de votre enfant, parce qu'il ou elle a fait telle chose. » Même s'il a fait quelque chose de négatif dans la journée, j'écris un mot positif et je l'envoie à la maison. Les premiers temps, l’élève peut réagir en disant : « Oui, mais je n'ai pas été gentil. » Je lui réponds alors : « C'est vrai que tel comportement n’est pas correct, mais par contre, tu fais telle chose et c'est de ça dont je parle. » Cette attitude a comme effet que les parents cessent de voir l'école comme une menace. Quand j'appelle à la maison, la première question que les parents me posent, très souvent, c'est : « Qu'est-ce qu'il a fait ? » « Justement il a fait son travail et il était très bien fait. » « Vous m'appelez pour ça ? » « Bien oui ! » C’est de la valorisation ! Alors quand l'enfant arrive à la maison, les parents lui disent : « Ton prof a appelé. » « Ah, oui ! Qu'est-ce qu'il voulait ? » « Bien, il a dit que tu as bien fait ton travail, il voulait te féliciter. » Ça change beaucoup la dynamique familiale. C'est quelque chose d'important, sinon c'est difficile d'enseigner quand les parents ne collaborent pas avec nous. Je m'organise pour que ça joue des deux côtés. Donc, ils connaissent des succès à l'école, ils en connaissent aussi à la maison. Je dis souvent à mes élèves qui sont gênés de leurs parents, parce qu'ils sont alcooliques ou quelque chose du genre : « Tu ne dois pas être gêné de tes parents. Tes parents sont ce qu'ils sont, ce qu'ils font de mal, ce n'est pas toi qui le fais. Tu n'as pas à être gêné. » Quand je parle de respect, ça regroupe beaucoup de choses.

C'est important que tout le monde se sente impliqué, que chacun soit conscient du rôle qu'il a à jouer là-dedans ; on n’a pas à se dévaloriser ni à se laisser dévaloriser. Les enfants sentent quand tu t'intéresses à eux vraiment. Tu ne lui fais pas une remarque pour dire : « C'est moi le boss, puis tu vas le savoir. Si tu fais ça, ça va être quelque chose de négatif puis ça va t'amener des problèmes, puis je ne veux pas que tu sois un problème. » Je leur parle de respect, ils sentent que ce ne sont pas seulement des paroles ; l’enfant aussi doit être respectueux. Cette attitude aide à diminuer la tension dans un groupe et les enfants deviennent capables eux aussi de me dire des choses. Je leur donne des exemples pour leur faire comprendre qu'ils ont droit au respect et que moi aussi, j'ai droit au respect. « Vous avez le droit d'exiger qu'on vous respecte. Si vous pensez que je ne suis pas respectueux envers vous, je veux que vous me le disiez. Parfois, je peux dire des choses et vous pouvez les interpréter différemment. Si vous pensez que je ne vous respecte pas en disant quelque chose, vous me le dites. » J'établis ça rapidement au début. J'utilise aussi beaucoup d'humour. Par l'humour, je peux tempérer des situations qui pourraient être tendues.

À propos de la façon dont l’enseignant du récit a fait comprendre cette valeur de respect à Michel...

À un moment, j’ai répondu à Michel comme lui me répondait, dans un langage un peu cru. Quand il était agressif ou qu'il se sentait un peu insécure, ou qu'il pensait perdre la face, il pouvait me dire : « Va donc te faire voir ! » Cela faisait deux ou trois fois qu'il me le disait ; j'avais essayé de lui expliquer que je n'aimais pas ça, mais en état de panique, c'est son réflexe. Alors que j’étais occupé avec d’autres élèves, il est venu me demander quelque chose. Comme il me dérangeait, je lui ai répondu sur le même ton et j'ai continué avec les autres comme si de rien n’était. Il a été frustré, il est parti à sa place : « Tu parles d'un prof de fou, maudit innocent, si ça a de l'allure de dire des affaires comme ça. » Je ne m'en occupe pas du tout, il arrive à sa place, il s'assoit et donne un coup de poing sur le bureau : il était insulté. Je laisse passer une quinzaine de minutes et je vais le voir : « Comment tu t'es senti quand je t'ai dit ça ? » Il croise les bras, ayant l'air de dire : « Je veux rien savoir. » « T'as pas besoin de me le dire, je le vois, alors imagine comment je me sens ou comment les autres se sentent quand c'est ce que tu leur dis. » Jamais il ne l'a redit dans la classe.

3- Il évoque brièvement son mode de gestion de classe

De nature, je suis calme et ça influence beaucoup le groupe. Quand on est nerveux, je pense qu'on a un groupe plus nerveux. Aussi, j'utilise beaucoup le non-verbal : quand je sens parfois une petite tension, je vais tout simplement m'asseoir sur mon bureau, les bras croisés ; je les regarde sans rien dire et j’attends. Souvent, tu sens la tension diminuer, le calme s'installe et chacun reprend sa place. Parfois, une petite tape sur l'épaule de l’un, un clin d'œil à un autre sont aussi des moyens efficaces ; j'utilise souvent le non-verbal avec les enfants en adaptation scolaire. D'ailleurs je pense que c'est aussi vrai avec ceux du régulier ; cela a beaucoup d'effet. Ce n'est pas menaçant, le message est clair et ils peuvent l'interpréter à leur façon ; il n'y a rien de blessant. Ce sont des moyens que j'utilise beaucoup. S’il y a un problème, je leur dis : « On arrête, on laisse tout ça de côté, on a un problème. On va le régler, puis on continuera notre travail. » C'est sûr que les premiers temps, ça peut prendre 30 minutes, 45 minutes. Mais, plus l'année avance, plus ce temps-là devient court et moins il y en a, de toute façon. Prendre le temps de régler une situation, ce n'est pas du temps perdu : c'est un investissement pour plus tard. Ou alors je vais chercher des exemples qui ne s'adressent pas à l’élève en cause, mais qui peuvent être semblables.

4- Tout le monde a droit à l’erreur

Je leur dis souvent de façon un peu informelle : « Tout le monde a des problèmes. On a tous des choses à améliorer. » Parfois, quand je me fâche, je parle trop fort et ça ne donne pas nécessairement de résultat. Supposons qu’ils sont en train de faire quelque chose au lieu de travailler, qu'ils font des blagues et qu’alors je me fâche, je donne une tape sur le bureau ; il arrive que ma réaction soit exagérée. Un élève me dit : « Hier, tu n'avais pas besoin de te fâcher comme ça. » Je leur dis : « Vous voyez, moi, des fois, quand ça fait trois ou quatre fois que je répète, je perds patience. Il faut que je travaille ça. » Ils comprennent que c’est normal d'avoir des choses à travailler, d'avoir des faiblesses ; tout le monde en a. Ou alors, par exemple, ils placotent du directeur : « Le directeur a fait telle chose et il ne m'a même pas laissé m'expliquer. » Je leur réponds : « Bien voyez-vous, lui aussi il a des choses à travailler, il n’est pas plus parfait que vous pouvez l'être. » Quand un suppléant vient dans la classe, ils disent qu’il est toujours pourri comme suppléant, peu importe de qui il s'agit ; les jeunes, une fois qu'ils établissent un lien avec une personne, ils y tiennent beaucoup et quand c'est une autre personne, ils sont insécures. Donc, ça amène beaucoup de réactions. Le suppléant en arrachait des fois : « Bien voyez-vous, le suppléant là, lui il a 12 élèves à endurer, vous autres vous en avez rien qu'un et vous n'êtes pas capables de l'endurer, puis lui, il en a 12 à endurer. Vous n'êtes pas des cadeaux à part ça quand vous vous y mettez. Essayez donc de le comprendre un peu. » Quand le suppléant revenait, il y avait un effet, ça allait mieux.

5- Ce récit est un miroir de la pratique de cet enseignant

J'ai une force, j’en suis conscient : les enfants qui sont dévalorisés, je suis capable d'aller les chercher. J'ai de la facilité pour rebâtir l'image de quelqu'un. J'en suis conscient et je l'apprécie énormément, car ça m'est très utile autant en adaptation scolaire qu'au régulier. Je le vis encore au régulier avec certains élèves. Ce n'est pas une question d'être mieux que les autres, c'est une question d'attitude. Il y en a d'autres qui vont être excellents dans tel domaine, puis un autre dans tel autre domaine ; on a chacun nos forces et la mienne est là. Je ne conçois pas qu'un enfant soit malheureux à l'école, parce qu'un enfant qui se lève à tous les matins en étant malheureux, je trouve ça affreux. Il ne peut pas vraiment se concentrer sur son travail et fournir les efforts nécessaires à sa réussite. En adaptation scolaire, quand je me fais dire : « Je n'ai plus besoin de me chicaner avec mon enfant pour qu'il aille à l'école... », pour moi ça, c'est super, c'est numéro un et je me dis : « Mission accomplie ! »