© Desgagné, S. et Gervais, F. (2000).

Version imprimable:

Introduction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
POUR UN HÉRITAGE DE LA PROFESSION ENSEIGNANTE : RÉCITS
EXEMPLAIRES DE PRATIQUE
 

 

 

PAR
SERGE DESGAGNÉ ET FERNAND GERVAIS
UNIVERSITÉ LAVAL

MARS 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour que la vie soit pleinement formatrice, il faut en
faire une histoire.

Alex Lainé

Les histoires qui méritent d'être racontées et qui
méritent d'être analysées naissent au milieu des
problèmes.

Jérôme Bruner

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CE RECUEIL DE RÉCITS EXEMPLAIRES DE PRATIQUE
A ÉTÉ RÉALISÉ
DANS LE CADRE D'UNE COLLABORATION DE RECHERCHE
AVEC LA COMMISSION SCOLAIRE
DES PREMIÈRES-SEIGNEURIES.

NOUS TENONS À SOULIGNER LE PRÉCIEUX SOUTIEN DE
MONSIEUR RÉNALD DUFOUR
QUI EN A ASSURÉ LA COORDINATION.

 

 

LA RECONSTRUCTION DE CES RÉCITS
A ÉTÉ RENDUE POSSIBLE
GRÂCE AUX SUBVENTIONS CONJOINTES
DU CONSEIL DE RECHERCHE
EN SCIENCES HUMAINES DU CANADA (CRSH)
ET
DU COMITÉ RÉGIONAL (0312) SUR LA FORMATION
DU PERSONNEL ENSEIGNANT (CREFPE)
RATTACHÉ AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION DU
QUÉBEC (MEQ)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS haut

LES AUTEURS DE CE RECUEIL EXPRIMENT TOUTE LEUR GRATITUDE
AUX VINGT ENSEIGNANTES ET ENSEIGNANTS
QUI ONT COLLABORÉ À CE PROJET DE RECHERCHE, À TRAVERS LE
TÉMOIGNAGE DE LEUR EXPÉRIENCE DE PRATIQUE.

QU’IL NOUS SOIT PERMIS,
TOUT EN LES PRÉSERVANT, COMME IL SE DOIT, D’UNE
IDENTIFICATION À LEUR PROPRE RÉCIT,
DE SALUER LEUR CONTRIBUTION EXEMPLAIRE.

À CARL, CLÉMENCE, DONALD, DONATE, GAÉTANE, ÉDITH, GÉRARD,
HÉLÈNE, JACQUES, JOSÉE, LÉOPOLD, LOUISE, MARIO,
MARCEL, MARTINE, MICHELINE, RÉAL, RÉAL, RITA ET ROBERT,
TOUTE NOTRE ESTIME.

 

 

À LEUR SUITE, IL CONVIENT AUSSI DE REMERCIER

 

HÉLÈNE LAROUCHE, CHRISTINE COUTURE ET ANNIE MALO

pour leur participation, en tant qu'assistantes de recherche,
à la démarche de reconstruction orale et écrite des récits, et cela, dans une
collaboration harmonieuse avec les enseignantes et enseignants participants.

 

ÉLAINE RENÉ, MONIQUE CÔTÉ ET GENEVIÈVE AUDET

pour leur participation, en tant que correctrices,
à l'harmonisation de la langue écrite des récits.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

LA PRÉSENTATION DU RECUEIL haut

UNE SOURCE D'INSPIRATION POUR LA RELÈVE

Les récits de pratique présentés dans ce recueil, bien qu'ils soient susceptibles d'inspirer tout enseignant, quel que soit son bagage d'expérience, s'adressent tout particulièrement aux futurs et aux jeunes enseignants et enseignantes soucieux d'enrichir leur savoir professionnel. Les « histoires » qui y sont racontées témoignent de défis significatifs qu'ont eu à relever des enseignantes et des enseignants, au fil de leur expérience, et à l'issue desquels ils ont tiré des leçons qu'ils veulent ici faire partager à ceux et celles qui amorcent leur carrière en enseignement. Les récits de pratique présentés constituent donc une sorte d'héritage professionnel pour la relève qui y trouvera, c'est du moins le voeu des auteurs du recueil, une source d'inspiration.

 

UN MATÉRIEL DE FORMATION À EXPLOITER

Le recueil se veut aussi un matériel de formation initiale et continue des enseignantes et enseignants et s'adresse ainsi à tout formateur intéressé à utiliser les récits comme autant de « cas de pratique » à analyser. La méthode des cas, comme approche de formation, a acquis ses lettres de noblesse dans diverses professions, dont l'enseignement. Elle vise le développement du jugement du praticien à qui on demande de s'exercer, par l'analyse du cas, à composer avec différentes situations de pratique. Les récits ici présentés se prêtent à une telle analyse dans la mesure où ils présentent un large éventail de situations de pratique enseignante tout en témoignant, du même coup, du jugement qu'y a exercé l'enseignante ou l'enseignant d'expérience, auteur du récit.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

L'ORGANISATION DU RECUEIL haut

Le présent recueil (tome 1) présente vingt récits, soit le premier des deux récits reconstruits par chaque enseignante ou enseignant ayant participé à la recherche. Un second recueil (tome 2) fait suite. Nous avons regroupé les récits à partir des ordres d'enseignement auxquels ils renvoient. Ainsi, on retrouvera 11 récits pour l'ordre d'enseignement préscolaire-primaire et 9 récits pour l'ordre d'enseignement secondaire. En vue de guider le lecteur, nous proposons, au départ du recueil, une vue d'ensemble de tous les récits, incluant le titre, un bref résumé et une liste de descripteurs permettant d'en caractériser le contenu. À la fin du recueil, nous offrons au lecteur une bibliographie regroupant des ouvrages-clés autour de la reconstruction des récits de pratique, comme approche de recherche, et autour de l'utilisation de la méthode des cas, comme approche de formation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

LA MISE EN FORME DES RÉCITS haut

Chaque récit est présenté de la manière suivante : un préambule permet d'abord de situer les éléments de contexte nécessaires à la compréhension du récit. Se déroule ensuite le récit lui-même, annoncé par un titre, récit qui suit la logique narrative de l'événement, tel que ce dernier est raconté par celui ou celle qui l'a vécu. Les récits varient entre quatre et onze pages, selon l'ampleur d'explicitation qu'il a été permis ou qu'il convenait à l'enseignant de donner à son récit. Au fil du récit, le lecteur sera renvoyé à des notes en fin de récit. Ces notes correspondent à des explicitations complémentaires données par l'enseignant à propos d'un aspect particulier de sa pratique, explicitations qui ne sont pas nécessaires pour suivre la logique de l'événement, mais qui demeurent intéressantes pour mieux comprendre la pratique de l'enseignant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


LES CARACTÉRISTIQUES DES RÉCITS haut

DES DÉFIS PROFESSIONNELS EXEMPLAIRES

Les événements racontés ont été choisis par les enseignantes et enseignants parce qu'ils représentent des défis professionnels significatifs, à l'intérieur de leur pratique. Cela ne veut pas dire qu'ils sont, en soi, exceptionnels. Cela signifie tout simplement qu'il s'agit là d'événements qui les ont fortement mobilisés et qui leur ont appris quelque chose sur eux-mêmes, en tant que praticiens. En somme, ils sont significatifs en tant qu'ils les ont fait sortir de l'habituel de leur quotidien et qu'en cela, ces événements leur ont permis de jeter un regard nouveau sur leur pratique. C'est ce regard nouveau qui donne à leur récit un statut d'exemplarité, une exemplarité tournée à la fois sur soi et sur les autres : ils ont appris quelque chose sur eux-mêmes et cet apprentissage est susceptible éventuellement de servir à d'autres.

 

DES RECONSTRUCTIONS DE L'EXPÉRIENCE

Les enseignantes et enseignants ont été appelés à retourner dans leur passé pour y retrouver ces événements significatifs, sur l'ensemble du trajet de leur carrière, et les ramener, si l'on peut dire, à la vie. Certains correspondent à des événements plus ou moins récents, d'autres les ramènent à leurs débuts dans la profession. Quoi qu'il en soit, en se racontant, ils se sont replongés dans l'événement pour en ramener toute la fébrilité de leur engagement et, en même temps, tout le recul que leur permet la distance, par rapport à ce même événement. Dans ces reconstructions de l'expérience que sont les récits, on profite ainsi du fait que les enseignants soient à la fois « dans » et « hors » de l'événement et qu'ils nous livrent, au fond, par-delà cet événement, le « sens » qui s'en dégage pour eux.

 

DES RÉSOLUTIONS DE PROBLÈMES

Les récits prennent la forme de résolutions de problèmes. En effet, comme le dit Bruner, « les histoires qui méritent d'être racontées et d'être analysées naissent au milieu des problèmes », surtout, faudrait-il ajouter, quand il s'agit, pour les enseignantes et enseignants, d'« histoires » qui veulent témoigner de défis significatifs rencontrés dans leur pratique. Ainsi, voit-on s'élaborer, au fil de la narration de l'événement, les éléments constituants du problème auxquels viennent graduellement se greffer les stratégies de résolution finalement privilégiées, incluant les effets bénéfiques constatés, ainsi que les limites imposées par le contexte. C'est donc, en ce sens, tout le processus de délibération de l'enseignant, sa pensée-en-action, sa démarche d'essais-erreurs, son analyse-en-situation, qui nous sont rendus accessibles par le récit.

 

DES ÉVÉNEMENTS SUR LA VIE DE LA CLASSE

Les récits ont tous en commun de témoigner d'événements qui renvoient chaque enseignante ou enseignant à son contexte de responsabilité première : son groupe-classe. Cela ne veut pas dire que tous les problèmes s'arrêtent à la classe ; bien au contraire, beaucoup de problèmes débordent sur l'école et la famille. Ces trois contextes, on le sait, sont interreliés. Cela ne veut pas dire non plus qu'il s'agit seulement de problèmes dits de « gestion de classe ». Un enseignant ne sépare pas si facilement, dans sa tâche auprès des groupes, ce qui tient de la gestion des « contenus » et de celle des « interactions ». Enfin, si certains récits témoignent d'un problème vécu avec l'ensemble d'un groupe-classe, d'autres mettent à l'avant-scène un ou quelques élèves en particulier. Dans tous les cas, la dynamique du groupe-classe est concernée.

 

DES NARRATIONS ÉCRITES AU « JE »

Les récits sont racontés à la première personne. Le « je » de l'enseignant ne fait que mettre en valeur un choix de départ : privilégier le point de vue de l'enseignant sur l'événement. C'est dire qu'au-delà des faits relatés s'y révèlent toute l'intériorité du narrateur, à travers l'affirmation des valeurs et des croyances profondes, de même que toute son expressivité, à travers l'évocation des émotions et des sentiments. L'enseignant, dirait-on autrement, « se livre », avec tout ce que cela comporte de vulnérabilité, d'ambiguïté et d'incertitude par rapport au contenu de l'événement et au message que porte le récit. C'est peut-être ce qui incitera certains enseignants ou certaines enseignantes à formuler cette prudence, adressée au lecteur potentiel de leur récit : « ce qui est bon pour moi ne l'est pas nécessairement pour les autres ». Au lecteur d'en juger !

 

 


 

 

 

 

 

 

 

LE PROCESSUS COLLABORATIF DERRIÈRE LA RECONSTRUCTION DES RÉCITS haut

Avant de laisser le lecteur à son exploration, il convient de préciser que la reconstruction de ces récits est le fruit d'une longue démarche de collaboration. Certaines étapes-clés nous semblent ici devoir être évoquées : on pourrait d'abord parler d'une étape de co-situation où chercheurs et praticiens ont à se rejoindre autour d'un intérêt commun à reconstruire des récits, à s'entendre sur la notion même de « récit de pratique » et sur les conditions à mettre en place pour réaliser la démarche de reconstruction. On pourrait ensuite parler d'une étape de co-opération où différentes activités d'explicitation sont aménagées, amenant graduellement les participants vers la reconstruction orale des récits, les chercheurs accompagnant les praticiens, à travers des entretiens de plus en plus orientés vers les événements choisis. On pourrait, enfin, parler d'une étape de co-production où l'entreprise en est une de mise en forme des récits, dans un passage de l'oral à l'écrit, où chercheurs et praticiens auront à se valider mutuellement par rapport au produit final. L'évocation de cette démarche permet de mettre en évidence que la reconstruction de récits dépasse de loin la simple entreprise de prospection, comme s'il s'agissait de ramener au jour des histoires déjà là, disponibles à qui sait les découvrir. De l'intérêt partagé jusqu'au produit final, se déroule un processus complexe de négociation, d'explicitation et de justification, incluant plusieurs étapes transformatrices où tout un ensemble d'acteurs seront mis à contribution, nous rapprochant ainsi peut-être plus d'une entreprise de construction, voire de co-construction, que de simple reconstruction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

RÉSUMÉS ET DESCRIPTEURS haut

Dans les pages qui suivent, nous présentons au lecteur le résumé de chacun des récits pour lui permettre de s'y retrouver. Nous y joignons l'identification de quelques descripteurs susceptibles de mieux l'orienter vers des préoccupations plus particulières, concernant le témoignage qu'il recherche, à travers ces récits. Ainsi, il nous a semblé utile de mentionner 1) si le récit concerne un problème touchant un élève en particulier ou le groupe-classe tout entier ; on parle ainsi d'un cas individuel ou d'un cas de groupe ; 2) si le récit mobilise l'enseignant, de façon plus marquée, autour de la gestion des interactions (on dirait communément « un problème de gestion de classe ») ou de la gestion des contenus (on dirait communément « un problème d'enseignement », dans une matière donnée) ; 3) si la gestion du problème témoigne d'un exercice de collaboration soutenue avec les parents. Nous soulignons aussi les particularités du contexte d'enseignement lorsque ce contexte joue un rôle important dans la nature même du problème et dans la façon de l'aborder : classe d'adaptation scolaire, classe multiethnique, classe en milieu défavorisé, etc. Lorsque l'enseignante ou l'enseignant s'associe à une pédagogie particulière et que cette pédagogie s'avère marquer le récit de façon significative, nous le mentionnons. On retrouve ainsi, placé entre parenthèses, pour respecter l'appellation en usage dans le milieu scolaire, « pédagogie par projets », « gestion participative », « intégration des matières », « travail d'équipe », etc. Nous précisons enfin lorsque le récit concerne plus spécifiquement un problème vécu en début de carrière, sachant que celui-là, peut-être plus que les autres, constitue un témoignage éclairant pour la relève enseignante à qui ce recueil, en tant qu'« héritage de la profession enseignante », peut s'avérer particulièrement utile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


LES RÉCITS haut

LA LANGUE UTILISÉE

La reconstruction des récits dont on s'apprête à faire la lecture s'est faite à l'oral. Ce n'est qu'après coup que les propos ont été rassemblés à l'écrit. Nous voulions, par là, mieux capter toute la spontanéité du conteur qui s'anime en racontant son histoire et qui se laisse aller, peut-être plus facilement qu'à l'écrit, à suivre le fil de l'événement, sans autre souci de forme ou d'organisation que de livrer à quelqu'un qui l'écoute et qui cherche à bien comprendre ce qui s'est passé, ce qu'il a vécu et, surtout, ce sur quoi s'est appuyée sa délibération, lors de prises de décisions, dans le cours de l'action. Cette oralité de la narration se retrouve dans la langue écrite. Elle se retrouve dans le style, la syntaxe, voire même parfois dans le vocabulaire. Le lecteur ne sera donc pas surpris, en ce sens, de retrouver des termes ou expressions du langage courant ou familier (le plus souvent mis en italiques) qui lui rappelleront qu'il s'agit beaucoup plus d'une langue parlée... et écoutée, puisqu'il s'agit de quelqu'un qui raconte, que d'une langue écrite. Par cette parole « vivante », pourrait-on dire, nous avons voulu conserver cet esprit du conteur de la tradition orale qui, par son récit, fait en sorte que soit transmis, d'une génération à l'autre, et à travers le langage même du quotidien partagé, l'héritage de sa culture et de sa communauté. Ne s'agit-il pas précisément, dans ce recueil, d'un héritage de la culture scolaire et de la communauté de pratique à la relève enseignante ?

 

ADRESSE AU LECTEUR

Laissons maintenant la parole aux enseignantes et enseignants. Laissons-les nous faire le récit des événements qui les ont interpellés, qui ont mobilisé leur énergie et desquels ils ont tiré une leçon qu'ils souhaitent nous faire partager. Ce ne sont pas là des prescriptions sur ce qu'il convient de faire et sur lesquelles on nous inviterait à se prononcer, comme des lecteurs juges et experts. Ce sont plutôt des témoignages d'expérience qu'on nous propose d'apprécier, à titre de lecteurs curieux et partenaires. En cela, ces récits nous suggèrent d'adopter peut-être moins une attitude critique qu'une attitude compréhensive sur la pratique : comprendre les éléments du contexte qui jouent dans les prises de décisions professionnelles, comprendre les contraintes de tous ordres avec lesquelles il faut composer, dans une pratique donnée, comprendre les dilemmes que vivent les enseignantes et enseignants en exerçant leur pratique quotidienne, comprendre les enjeux personnels, institutionnels, moraux qui guident l'action à mener, pour résoudre un problème donné. On dirait autrement que ce qui nous est présenté là, dans ces récits, c'est la « vraie vie » de l'enseignant, celle du quotidien des décisions, celle des situations d'urgence, celle qui doit composer avec les limites du possible, avec le jeu des compromis, avec les circonstances du moment. Et c'est sans doute cet ancrage dans le « réel » qui donne à l'exemplarité des défis relevés et à la hauteur des idéaux avancés toute leur crédibilité.