© Larouche, H. (2006).

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Analyse d'un prototype du récit d'accomplissement défini comme:
une mission sociale à accomplir

Si on veut aider l'enfant, il faut impliquer le parent

Ce n'est pas le but de l'école, mais quand on
réussit à aider la maman, on aide l'enfant.

La structure narrative

Rappelons que dans ce prototype la trame épisodique se déroule sur une seule période qui retrace une montée en généralité d'une mission que la protagoniste souhaite incarner à travers une occasion qui se présente à elle.

L'ouverture : l'occasion d'une mission à accomplir

Ce récit vient mettre en lumière une croyance profonde de la part d'une enseignante de maternelle : elle veut que les parents, qui le souhaitent et qui sont disponibles, puissent participer et s'impliquer dans la classe. Elle sera sollicitée dans sa mission par une mère qui se présente dans sa classe en état d'ébriété.

L'avancée progressive autour d'un appel à s'engager

Au début du récit l'enseignante explique l'importance qu'elle reconnaît aux parents de ses élèves. Elle l'affirme haut et fort dès la première phrase : Pour moi, les parents ont toujours été importants! Elle a travaillé pendant plusieurs années dans un milieu défavorisé. D'une part, les parents étaient disponibles mais d'autre part sûrement qu'ils se sentaient peu accueillis dans l'école en tout cas pas très souvent demandés. C'est un moyen, lorsque les parents viennent, de contrer les grosses difficultés qu'on peut vivre lorsqu'on travaille dans les milieux défavorisés. Je voulais consacrer du temps pour que ces parents-là se sentent accueillis, sentent qu'ils avaient leur place, que la classe était ouverte pour eux. C'était quelque chose d'essentiel pour moi, de dire que le parent sente qu'il était le bienvenu dans la classe. Et non seulement qu'il était le bienvenu, mais aussi qu'il sente que moi j'avais besoin de lui. Que toute seule sans sa collaboration, j'y arriverais plus difficilement. L'idée, c'était qu'eux viennent en disant : « oui j'ai envie d'être là, de voir comment ça se passe avec mon enfant, j'ai envie aussi d'apporter un coup de main ». Attardons-nous à deux idées centrales présentes dans cet extrait. La première idée concerne l'accueil des parents. Du point de vue de l'enseignante, les parents ne sont pas toujours bien accueillis à l'école, particulièrement en milieu défavorisé. La narratrice répète à plusieurs reprises dans le récit qu'elle désire accueillir les parents pour qu'ils se sentent les bienvenus. On touche ici l'appel à l'engagement dans sa mission : le fait de travailler en milieu défavorisé sollicite sa croyance sur l'importance d'accueillir les parents dans la classe. Qu'y a-t-il derrière cette idée de collaboration avec les parents? Quelle place leur fait-elle dans la pratique? Est-ce qu'elle reconnaît aux parents une compétence à intervenir dans le milieu scolaire? Cette interprétation un peu hâtive mérite qu'on la fouille plus avant dans l'analyse.

L'autre idée, tout aussi centrale chez la narratrice, est que l'implication des parents devient un moyen pour contrer les grosses difficultés. Elle explique son contexte : J'avais des groupes entre 20 et 22 élèves, avec plusieurs enfants en difficulté, en grande difficulté, des enfants handicapés intégrés en classe régulière, vraiment des gros cas. On comprend que la mission qu'elle s'est donnée d'accueillir les parents s'allie à un réel besoin d'aide. Ce constat pourrait appuyer l'interprétation d'une reconnaissance de la compétence parentale pour intervenir auprès des enfants. On verra dans le prochain point les mesures mises en place pour s'assurer d'obtenir cette aide. Les deux buts poursuivis -accueillir les parents et recevoir de l'aide- donnent une couleur particulière à l'interprétation de la mission de cette enseignante. Elle démontre ainsi sa capacité d'allier cette double intention de manière stratégique.

  • Les mesures prises

Pour impliquer les parents et les accueillir dans sa classe, la narratrice décrira comment elle s'y prend. Assez rapidement, au début de l'année, à la rencontre d'informations, je fournissais aux parents une liste des types d'activités dans lesquels ils pouvaient s'impliquer. Que ce soit de l'aide, purement et simplement, des bras qui viennent dans la classe pour bâtir du matériel par exemple, ou venir aider aux ateliers d'ordinateur. Il y avait toutes sortes de suggestions et de la place pour eux selon l'activité dans laquelle ils se sentaient à l'aise. Souvent ils me proposaient des choses auxquelles je n'avais même pas pensé. J'avais aussi le souci de leur dire : «c'est sûr que tout le monde n'est pas disponible, et je le comprends, mais il y a différentes façons de s'impliquer et d'être là.» Ce n'est pas nécessaire d'être là en présence, des fois on fabrique du matériel, on fournit une petite collation spéciale, etc. C'est à moi ensuite, comme enseignante, de dire : «Eh regarde, c'est ta maman, ton papa qui a donné ça!» Pour moi c'était aussi pour que l'enfant sente que papa et maman accordaient de l'importance au fait qu'il aille à l'école. Puis, à chaque mois, ils recevaient un calendrier où était inscrit le nom des parents qui venaient. C'était assez simple. Les parents savaient très bien qu'ils pouvaient arriver n'importe quand, même s'ils n'étaient pas inscrits sur le calendrier... La porte était ouverte! Il arrivait par exemple qu'un papa vienne. « Ah ! Tu restes ce matin, c'est l'fun! » On remarque encore une fois l'idée d'avoir des bras de plus dans la classe qui rejoint son intention de recevoir de l'aide. Toutefois, l'enseignante nomme une autre intention non mentionnée jusqu'ici, elle s'assure que les enfants sentent également la reconnaissance accordée à l'implication de leurs parents. Encore une fois on peut remarquer une double intention dans cette stratégie : souligner aux yeux des enfants l'implication de leurs parents qui risquerait de passer inaperçue mais également, et c'est là que l'on reconnaît l'acteur stratégique mentionné précédemment, elle fait passer ainsi un message que l'école c'est important aux yeux de leurs parents. Il est pertinent de souligner que du point de vue de la narratrice, les stratégies déployées (la liste de types d'activités, le calendrier envoyé à la maison), sont assez simples. Pourtant ces stratégies requièrent une bonne dose de souplesse et d'ouverture. Il semble légitime de se demander jusqu'à point la porte est grande ouverte? Poursuivons sur les autres mesures prises qui nous aideront à comprendre la «mission» de cette enseignante.

À tous les ans je me retrouvais avec un groupe de cinq à dix parents disponibles pour venir dans la classe régulièrement ou à l'occasion. (...) Mon défi était pour les parents d'enfants en difficulté, c'était plus difficile de les avoir dans la classe. Les parents savaient ce que j'espérais qu'ils fassent dans la classe. Ça arrivait que je reçoive plusieurs parents à la fois, il y avait un risque à cela. Si ils se mettent à placoter ensemble, ça devient moins aidant. Avec les années, je voyais que plus les tâches étaient en lien avec les intérêts des parents, plus elles étaient clairement identifiées et précises, plus les parents étaient aidants et contents. Par exemple, être avec une équipe de quatre enfants qui sont à un jeu de société, ils restaient là une demi-heure, pendant le temps que duraient les ateliers. Ainsi ils pouvaient être en relation avec chacun des enfants et sentir qu'ils servaient à quelque chose. En même temps ça faisait quatre enfants qui étaient en train d'apprendre et que je n'avais pas à superviser. Dans cet extrait la narratrice explicite les balises qu'elle se donne pour accomplir sa mission : elle s'assure d'impliquer les parents dans des activités qui rejoignent leurs intérêts et qu'ils s'occupent de tâches précises. Elle décode leur compétence et l'exploite à bon escient pourrions-nous traduire. Encore une fois, on retrouve la double intention poursuivie : les parents ont leur place et elle reçoit une aide réelle (ça faisait quatre enfants que je n'avais pas à superviser).

Reprenons le questionnement soulevé plus haut sur les limites à l'ouverture. Dans l'extrait précédent, l'enseignante mentionne le défi que présente les parents des enfants en difficulté. L'extrait suivant apporte quelques éléments de réponse : Ce que je souhaitais c'est que tous les parents viennent au moins une fois durant l'année. Ça les parents le savaient, je leur disais : «Votre enfant va être en maternelle juste une fois, si c'est possible de vous libérer...» On organisait, entre autres, l'activité où pendant une semaine l'enfant était la vedette de la classe. Ça en général, les parents étaient contents d'y participer, il n'y a pas beaucoup de parents qui n'y ont pas participé, c'était quelque chose de particulier. Je pense, entre autres, à un papa Grec qui était venu nous montrer des danses grecques. Une maman pouvait venir faire une recette. Chacun y allait de sa créativité et de son intérêt. D'autres disaient : «moi je ne veux pas présenter, juste venir dans ta classe passer la journée avec mon enfant.» J'essayais le plus possible que le parent se sente à l'aise, je comprenais leurs besoins. Il semble que la mission de l'enseignante la pousse à chercher des stratégies que l'on pourrait qualifier de «gagnantes» pour impliquer les parents. Pour le dire autrement, les stratégies déployées sont au service de la mission, elle dit comprendre leurs besoins et elle fait en sorte que ceux-ci s'impliquent dans la classe en misant sur leur compétence, leurs intérêts. Le prochain point retrace la logique de la narratrice dans les étapes marquantes d'un événement qui viendra ébranler sa croyance.

  • Les étapes marquantes

Après avoir explicité dans la première partie du récit les mesures prises pour accomplir sa mission, la narratrice raconte une situation particulière. Laissons-lui la parole pour décrire la mise en situation. Une fois j'ai vécu une situation particulière. Une maman qui était alcoolique, elle est arrivée dans ma classe à plusieurs reprises alors qu'elle sentait la boisson. On pouvait croire qu'elle avait consommé. On la laissait venir en classe car elle avait un désir tellement grand d'aider son enfant qui avait des difficultés, entre autres, au niveau du comportement, au niveau social et affectif (agressivité). C'était un défi pour moi parce que je ne pouvais pas tout à fait compter sur elle. Des fois, elle disait qu'elle venait alors qu'elle ne venait pas. Elle dira ne pas pouvoir compter sur elle, donc ne pas recevoir l'aide réel dont elle a besoin. En quoi cette situation vient-elle l'interpeller dans sa mission? Il semble qu'elle reçoit une autre forme d'aide, une aide plus difficile à nommer, telle que la narratrice le décrit dans l'extrait suivant : Mais en même temps, je sentais que quand elle pouvait être présente dans ma classe, il y avait quelque chose qui était très aidant. À la fois pour elle, dans son estime d'elle-même, pour l'enfant, surtout quand la mère n'avait pas consommé, parce que l'enfant sentait que sa mère faisait partie de la classe. Et pour les autres enfants avec lesquels elle réussissait à établir une relation qui était vraiment géniale. À plusieurs reprises cette femme-là (je sentais qu'elle m'aimait beaucoup) me disait : «mon Dieu que j'aime ça venir dans ta classe, ça me fait du bien.» Elle était toujours surprise de voir cet amour-là que les enfants lui portaient. Les enfants s'attachent facilement, ils arrivent donnent des beaux becs, disent des bonjours, ils étaient tous contents de la voir. C'était une maman qui était capable d'être près des autres enfants. Les effets constatés portent sur la double intention : la reconnaissance du rôle parental (l'enseignante parle de l'estime d'elle-même) et l'aide pour le groupe (elle dira que la mère était capable d'être près des enfants et qu'elle a réussi à établir une relation géniale avec certains enfants). Il semble donc que cette situation particulière rejoint tout de même la mission de l'enseignante.

Retrouvons la narratrice qui raconte un peu plus en détails la situation particulière vécue avec cette mère et son mode d'intervention. C'est sûr quand la maman arrivait en état d'ébriété, moi je ne savais pas vraiment comment intervenir avec elle. Est-ce qu'il faut que je lui demande de partir? Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Cela s'est produit, une fois, entre autres, où elle était arrivée sans prévenir. Elle avait apporté une collation, elle était toute contente... Mais vraiment, à mon avis, elle n'aurait même pas dû conduire dans l'état dans lequel elle était. À ce moment-là je lui ai dit : « oui! là je pense que tu as besoin d'aller te reposer. J'aimerais mieux que tu reviennes une autre fois! » Mais je me sentais un petit peu mal à l'aise de lui dire, je ne suis quand même pas une travailleuse sociale. Malgré le fait qu'elle dise ressentir un malaise, l'enseignante ne semble pas être déstabilisée, elle dira ne pas savoir comment intervenir car après tout elle n'est pas une travailleuse sociale. Pourtant elle interviendra et qui plus est, son intervention ne semble pas contrevenir à sa mission. Développons cette interprétation un peu rapide. Nous touchons ici la limite à l'ouverture que nous avons tenté de retracer dans les points précédents. Pour une des rares fois dans sa carrière, l'enseignante refuse l'aide d'un parent. Bien sûr l'état d'ébriété de la mère justifie tout à fait ce geste. Mais est-ce que cette situation particulière n'est pas une occasion rêvée pour l'enseignante de revisiter sa mission? Pour la mettre à l'épreuve?

Il nous faut poursuivre avec l'appréciation suite à la situation pour comprendre la piste d'interprétation avancée ici sur l'occasion pour l'enseignante de revisiter sa mission. J'avais l'impression que pour aider l'enfant, il fallait faire une ouverture à la maman. Il y avait une travailleuse sociale qui venait à l'école à l'occasion pour un programme appelé Floppy, axé sur le développement des habiletés sociales. Par ce programme on a réussi à rejoindre la maman qui a accepté de rencontrer la travailleuse sociale pour aider son enfant. Quand même je trouve que dans ces milieux-là, avec ce type de problématique-là, ça vaut la peine de continuer, c'est ma croyance. (...) Je me disais que c'était un défi, un moyen détourné pour aider la maman. Ce n'est pas le but de l'école, mais quand on réussit à aider la maman, on aide l'enfant. Dans ces milieux-là en particulier, il faut que ça aille ensemble. La mission prend un nouveau sens : si cette enseignante fait une aussi grande place aux parents, c'est pour aider l'enfant. Bien que ce but puisse paraître une évidence dans la mission poursuivie, la narratrice nomme de manière explicite que les deux vont ensemble : pour aider l'enfant, il faut aider le parent. De son point de vue, enseigner en milieu défavorisé signifie inclure les parents dans l'intervention et reconnaître leur compétence.

L'interprétation de la reconnaissance de la compétence parentale est affirmée explicitement : on pourrait de notre regard d'enseignante professionnelle, croire vraiment que ce parent-là est complètement inadéquat, que je ne peux lui demander quoi que ce soit. Moi, c'était le contraire! Elle poursuit : C'est difficile de limiter vraiment le rôle de l'enseignante. Aussitôt qu'on ouvre la porte au parent, on fait rentrer dans la classe aussi des problématiques des familles. Et quand on connaît ces problématiques-là, c'est plus difficile de départir tout ça! J'avoue qu'il y a quand même un danger, parce qu'en connaissant beaucoup on est plus conscient de notre impuissance. Les moyens ne sont pas grands. Il y a comme deux aspects là-dessus. Ça exige d'être capable vraiment de se distancier de la situation, ce qui n'est pas toujours évident. Nous retrouvons dans la fin de ce dernier extrait notre questionnement sur les limites de son action. L'enseignante nous prévient que la mission qu'elle s'est donnée comporte un danger, celui de se sentir impuissant face aux problématiques familiales. Sans remettre en question le succès de sa mission, on conçoit que la distanciation suggérée concerne justement les limites à l'ouverture. De manière paradoxale, plus la place accordée aux parents dans la classe est grande (jusqu'à développé un lien d'amitié parfois avec les parents), plus elle devient consciente des limites de son action (elle dira on est plus conscient de notre impuissance). S'agit-il d'un sentiment d'impuissance ou d'un regard distancié et réaliste sur une responsabilité éducative particulière en milieu défavorisé? La mission analysée dans ce récit semble au contraire mettre en valeur une capacité particulière, un savoir agir dirons-nous, que l'enseignante a développé au fil des années. Ce savoir agir est fondé sur la reconnaissance de la compétence parentale. Le clôture du récit nous donnera dans le point suivant l'impact que cette enseignante a eu dans son école par sa pratique d'implication des parents dans la classe.

La clôture du récit : le succès de la mission

Le récit se termine avec l'élargissement de la pratique de cette enseignante qui a influencé celle de ses collègues. Avec les années, ça a été un petit peu contagieux, parce que comme j'étais dans un milieu défavorisé, le taux de roulement des professeurs était très élevé. Comme nous étions trois groupes de maternelle, j'ai eu plusieurs collègues qui étaient toujours surprises de voir comment je fonctionnais. De nouvelles enseignantes de maternelle qui n'avaient à peu près aucune idée de comment intégrer les parents. J'ai réalisé, à la longue que cette pratique-là que je faisais dans ma classe avait quand même un certain impact. En début de l'année, souvent les professeurs, sachant que j'intégrais les parents, venaient me demander «Penses-tu qu'il y a des parents qui ont plus le tour avec les enfants?» On voyait que l'aspect de compétence parentale était très important pour eux. Certaines enseignantes, de première année, je pense à une en particulier, qui avait des ateliers. Elle a commencé, dans sa période d'ateliers, le vendredi après-midi à demander un parent pour venir l'aider. Une autre, a peut-être demandé de venir écouter des enfants lire des petits livres. Alors, tranquillement, elles se sentaient plus en sécurité parce que je pouvais donner des noms de parents. Je pense que ma pratique peut avoir eu un impact. La clôture du récit remet à l'avance scène le contexte. On peut se demander jusqu'à quel point le fait d'enseigner en milieu défavorisé a influencé sa mission. Enfin il importe de noter que l'enseignante a été animatrice Passe-partout pendant neuf ans. Cette expérience de collaboration directe avec les parents a sûrement un impact dans son rapport aux parents.

Le commentaire interprétatif

Le récit porte sur l'implication dans la classe qu'une enseignante souhaite développée chez les parents. Une implication basée sur un besoin réel de sa part, mais également sur la reconnaissance qu'elle souhaite leur accorder en les impliquant. L'enseignante est consciente que les parents ne sont pas toujours les bienvenus à l'école. Elle veut changer cet état, qui plus est, elle désire que les parents sentent qu'ils ont leur place à l'école. De manière stratégique, et c'est là nous semble-t-il que l'interprétation de la mission de cette enseignante témoigne d'une visée d'exemplarité, elle justifie cette implication tout au long du récit par une double finalité. Elle mise sur les parents comme des ressources pour contrer les difficultés (nombre d'enfant, intégration, milieu défavorisé, gros cas) et du même coup elle contribue à la reconnaissance de leur compétence parentale. Son savoir-agir professionnel repose sur sa capacité à décoder la compétence des parents. En les impliquant dans la classe elle fait appel à leurs intérêts (une animation sur un aspect culturel, la danse grecque), à leurs connaissances spécifiques (pour certains, il s'agit de l'informatique), à leur facilité à intervenir auprès des enfants (d'autres participent aux ateliers), autrement dit, elle décode ce dans quoi ils sont bons.

La nature du message est mise en valeur lors de l'incident avec la mère. Ce sera l'occasion de mettre à jour la finalité de la mission que cette enseignante poursuit: pour aider l'enfant, il faut aider le parent. De manière paradoxale, elle se verra obligée de refuser l'aide de la mère, celle-ci n'étant pas en état pour intervenir auprès des enfants. Pourtant, cet incident montre que la qualité de la relation, l'acceptation dirions-nous, de la mère est telle qu'au lieu de briser la relation, l'intervention qu'elle aura auprès d'elle incitera la mère à accepter un programme du CLSC pour aider son enfant. Le message livré dans ce récit touche aux enjeux sociaux dans le rapport aux parents. En travaillant dans les milieux défavorisés et sans doute dans le programme Passe-partout, l'enseignante s'est appropriée au fil des années une réelle compréhension des besoins des parents. En impliquant les parents dans sa classe, elle élargit son rôle d'enseignante auprès des enfants, elle les aide eux aussi. Cette responsabilité sociale élargie n'est pas sans limite. Elle nous prévient qu'il faut prendre une distance face aux problématiques familiales, c'est ce qu'elle fait en référant la mère à une travailleuse sociale.