© Larouche, H. (2006).
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TITRE: UNE ALTERNATIVE INTÉRESSANTE POUR LES RENCONTRES DE PARENTS
Préambule : L'enseignante raconte comment les rencontres de parents en début d'année sont quelque peu fastidieuses. Tout en désirant informer les parents, elle est consciente de leur besoin d'être rassurés sur l'adaptation de leur enfant, elle n'aime pas les rencontres individuelles où elle doit répéter les mêmes informations à chacun. Suite à une formation offerte par sa commission scolaire, elle a choisi de faire sa rencontre avec les parents par la présentation de portfolios avec ses élèves.
Les rencontres de parents j'ai toujours trouvé ça important. Comme j'étais en orthopédagogie avant, il y a des choses que je trouvais importantes. J'aimais plus ou moins les rencontres individuelles, on se répète, il arrive même des fois on en oublie avec certains, mais cela faisait partie de la tâche. Il fallait faire une rencontre au début de l'année. Les parents désirent à peu près tous nous rencontrer individuellement pour savoir comment va leur enfant, comment il s'est adapté et bien d'autres questions dans ce genre. À la maternelle c'est spécial, l'enfant est encore perçu comme le bébé de la maman (...) il y a une sorte de fusion qui est là entre le parent et son enfant. Et lorsqu'on fait référence à l'enfant, le parent (la mère) se sent visée en même temps; c'est très délicat. Je me souviens, moi aussi, quand j'ai eu les enfants, ça faisait exactement la même chose. À la première étape, on n'est pas capable de parler des comportements. Ça fait trop de choses pour les parents, trop de choses à apprendre avec lesquelles ils doivent se familiariser. Alors quand on leur dit que leur enfant est un petit peu mal commode, ils pensent qu'on va l'aimer moins ou qu'on ne l'aime pas. Ce n'est pas ça, mais c'est perçu comme ça. La relation entre le parent et l'enseignante doit s'installer dès le début et c'est la base pour le reste de l'année. C'est très délicat la première étape. C'est pour ça que je trouvais important de réfléchir à une meilleure façon de faire la rencontre avec les parents.
J'ai quand même opté pour la rencontre en petits groupes, mais pour être certaine de répondre aux attentes, j'avais prévu une deuxième rencontre individuelle avec le parent. Des périodes de dix minutes pour ceux qui désiraient me rencontrer individuellement, le parent avait la possibilité de venir avec son enfant. L'objectif de la rencontre consiste à informer les parents quant à l'intégration de l'enfant en début d'année scolaire. Les problématiques qui touchent les comportements, j'aime mieux les aborder un peu plus tard parce qu'au début on connaît moins les enfants et le temps qu'ils s'habituent à la routine, c'est assez long.
Il y a une année en particulier où j'ai reçu plusieurs enfants ayant fréquenté la même garderie depuis l'âge de trois ans. Donc c'était des enfants et des parents qui se connaissaient. Lors de la rencontre par petits groupes, on faisait des ateliers, mais il fallait éviter de laisser disponibles des coins avec du matériel bruyant parce qu'à ce moment-là, on n'était pas capable de parler à cause du bruit produit par les enfants. Lors de cette rencontre, on montre aux enfants où est le casier identifié à leur nom, l'endroit où ils placent leurs vêtements, leurs objets personnels. Les parents devaient s'inscrire à une heure en particulier pour la visite. Ce qui est arrivé, c'est qu'il y avait des parents qui ont décidé de venir à une heure différente, alors je me suis retrouvée avec dix parents et dix enfants. C'était le «free for all» ! Quand ils sont arrivés, je n'étais pas capable d'expliquer, les enfants faisaient du bruit et les parents ne les arrêtaient pas. En plus de cela, les parents parlaient entre eux. J'ai été obligée de couper la réunion, de donner peu d'informations. Ça a fait des parents qui étaient moins satisfaits. Et puis, moi j'étais épuisée quand je suis sortie. Je faisais quasiment de la discipline avec les petits en même temps parce que je n'étais pas capable de rien faire. Je me disais: « Jamais plus» ! J'étais domptée!
Cette année-là a été assez pénible, plus difficile que toutes les autres années. Ce qui est arrivé, c'est que les enfants qui étaient habitués d'être ensemble, ils étaient agressifs les uns envers les autres. C'était des parents auprès desquels j'ai été obligée d'intervenir plus souvent. Il a fallu qu'au mois d'octobre je rencontre les parents individuellement et parler plus des comportements. Mais je me suis rendu compte que la relation n'était pas assez établie pour que je puisse me permettre cela. Probablement à cause de la rencontre du début qui avait été abrégée. Sur le coup je me suis demandé comment ça se fait que ça se passait comme ça? Parce que je me dis, il faut vraiment leur donner une bonne base tout de suite à la maternelle au niveau des comportements. Mais cette année-là a été très difficile avec les enfants et avec les parents. Avec les enfants qui ont des problèmes de comportements, ça finit par une relation difficile avec le parent. C'est toujours plus délicat. Les parents au début, ils collaboraient, mais quand ils s'aperçoivent que ça marche plus ou moins, s'il y a moins de résultats, ils vont laisser aller un petit peu. Ça prend du temps.
Au fil des années, j'ai donc complètement changé ma façon de faire les rencontres de parents. La première fois qu'on a fait les rencontres pour le portfolio c'était vers la fin d'octobre, à la suite de la première étape. On était toutes un peu craintives. On ne savait pas trop comment ça allait se passer. En maternelle, j'étais la seule à expérimenter cela. Les enfants ont placé leurs travaux, au fur et à mesure dans leur coffre aux trésors. On l'appelait ainsi mais en fait il s'agissait d'un scrapbook sur lequel il y avait un trésor de dessiné. On avait expliqué aux enfants ce que c'était de développer son potentiel intellectuel (API, l'approche du potentiel intellectuel), c'est un trésor qu'on développe. Une invitation a été envoyée aux parents pour s'inscrire à une période d'environ trois quarts d'heure. Il fallait préparer notre journée. Les enfants plus actifs ont été répartis dans différents sous-groupes afin de ne pas perdre le contrôle. Les enfants ont été jumelés à deux ou trois pour s'entraider. Ils se sont pratiqués avec des questions que j'avais préparées. Ces questions sont d'ailleurs placées sur le portfolio pour que les parents s'en inspirent ou qu'ils poursuivent le questionnement à la maison. Lors de la première pratique, les enfants voulaient regarder n'importe quoi dans leurs travaux, ils étaient tellement contents et tout surpris de voir qu'ils avaient fait autant de travail. Et puis, je leur demandais, parmi les travaux effectués, celui qu'ils aimaient le plus, celui qu'ils aimaient le moins et celui dont ils étaient le plus fiers. À un moment de la pratique, j'ai arrêté de poser des questions et je leur ai simplement demandé de regarder le cahier de chacun. Au cours de la pratique, certains enfants jouaient le rôle de parent alors que d'autres faisaient « l'élève », en alternant. Dans ce jeu, ils se demandaient c'était quoi le travail qu'ils avaient le plus aimé, celui qu'ils avaient le moins aimé. Ensuite, celui dont ils étaient le plus fiers. À ce moment-là déjà, ils avaient beaucoup de choses à dire. Ils précisaient aussi, le comment et le pourquoi des difficultés ou des facilités qu'ils avaient rencontrées. Ils posaient des questions, et le fait de répondre et d'expliquer les choses, ça les aidait beaucoup. De plus, le fait que ce n'était jamais le même enfant à qui ils s'adressaient leur permettait d'échanger autrement et d'approfondir.
Le jour de la rencontre, les enfants sont arrivés, ils étaient très énervés et excités. Ils étaient plus anxieux, ils n'étaient pas comme à l'habitude, ils avaient hâte. Je le voyais, ils sautillaient, d'autres restaient proches de leurs parents, ils semblaient plus gênés que d'habitude, il y en a qui parlaient tout le temps, d'autres qui ne se rappelaient pas trop quoi faire. Pour que ça fonctionne bien, je m'étais organisée pour jumeler deux enfants et deux parents. J'ai utilisé cette stratégie parce qu'il y a toujours des enfants qui ne sont pas capables d'expliquer, qui sont trop gênés ou qui ne s'en souviennent pas. Je voulais surtout éviter de les placer en situation d'échec. Je voulais que ce soit une réussite pour eux aussi. Les enfants se complétaient. Lorsqu'ils arrivaient, ils allaient vers la droite et faisaient le tour de la classe où il y avait beaucoup de dessins d'accrochés. En voyant les dessins, leur revenaient en mémoire les activités qui avaient été réalisées depuis le début de l'année. Lorsqu'ils finissaient le tour, ils allaient s'asseoir à la place qui leur était assignée où il y avait leur bulletin et leur coffre aux trésors. Cela a été un moment fort de la rencontre parce que les parents et les enfants ont formé comme une coquille, même s'il y avait d'autres enfants plus loin, ils formaient une intimité avec leur parent. C'était vraiment beau. J'ai posé une seule question, ce qui a déclenché la discussion. Je leur ai simplement demandé ce qu'ils avaient le plus aimé faire dans leurs activités et de les montrer à leur parent. Suite à cela, j'ai eu énormément de difficulté à les arrêter! J'ai été obligée de leur dire : vous allez continuer à la maison.
Depuis que j'ai choisi de procéder de cette façon, je constate plusieurs avantages. Les parents, dans le fond, c'est ce qu'ils veulent, surtout au niveau des petits de la maternelle. Je trouvais également qu'on donnait plus d'informations en procédant de cette façon. De cette manière, je pouvais aborder tout ce qu'on avait fait. Lorsqu'on fait des rencontres individuelles, on ne peut pas faire ça ! Cette façon de procéder nous permet également d'apprendre beaucoup de choses sur les enfants. Par exemple, lorsqu'ils expliquent le calendrier, je peux voir ce qu'ils ont compris ou pas, ce qu'ils ont intégré. Ils disent : tel jour on a fait elle chose, puis le lendemain, etc. Ils emploient un vocabulaire différent. Les notions de temps à la maternelle c'est difficile à évaluer pour un enfant. Ça fait beaucoup de notions pour eux. Il y a aussi l'agenda à travers cela. Savoir quel jour on est, à quel endroit est cette journée-là dans la semaine, les pictogrammes, une maison, un verre de jus, c'est une préparation à l'écriture. Parfois on a des surprises, on pense que certains n'ont pas rien compris, mais on se rend compte que c'est ceux-là qui ont tout compris. L'enfant, quand il part de son vécu, c'est comme s'il redisait ce qu'il a appris. Par cette stratégie, on voit ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas. Ainsi, pour le parent, il est plus facile de pouvoir retravailler avec l'enfant les notions qui sont plus ou moins intégrées. Moi, de mon côté, en faisant écrire les réponses, je vois également ce que l'enfant a aimé ou n'a pas aimé; ce qu'il a trouvé difficile. Ça me dresse un meilleur portrait de ce que l'enfant sait. En adoptant ce type de rencontre on ne ressent plus l'immense fatigue une fois que c'est terminé. Ce sont les enfants qui font la réunion, mon rôle comme enseignante est de superviser. De plus cette rencontre est importante pour établir la relation avec les parents.