© Desgagné, S. et Gervais, F. (2000).

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Préambule : Une enseignante de troisième année livre ses stratégies pour motiver ses élèves dans les projets d'écriture. Le récit rapporte des exemples concrets de plusieurs situations et sa façon de réagir face à celles-ci.

TITRE: POUR RENDRE L'ÉCRITURE SIGNIFICATIVE

Tout a commencé par un problème que je vivais concernant la motivation à l’écriture. Dans une classe, il y a des enfants qui aiment écrire, mais c’est une minorité. Ceux qui adorent écrire représentent peut-être le tiers de la classe. Un autre tiers va écrire parce que tu le demandes, pour te faire plaisir, parce qu’ils sont petits. Il reste le dernier tiers, peut-être le quart, pour qui écrire est pénible ; ils n’ont jamais d’idées. Ils se demandent : qu’est-ce que je vais écrire ? Ça traîne, ils ne viennent plus à bout de finir et si tu vas t’installer à côté d’eux, c’est presque toi qui le finis à leur place. Ils ont acquis les bases, ils sont capables de livrer un message, mais le problème, c’est que ce n’est pas motivant ni significatif pour eux de seulement écrire ce que l’enseignant leur demande. Ils vont écrire une carte de Noël, ça va très bien, mais pour d’autres projets d’écriture, c’est difficile. Face à ce problème, je me suis dit : « Il faut s’en sortir; je peux peut-être les obliger, mais ce serait utiliser mon pouvoir et ça ne donne rien. » Il fallait que je trouve quelque chose pour les motiver à écrire.

Je regardais ma façon d’être; pour ma part, je n’ai pas de plaisir à écrire pour écrire. Alors, je me suis dit que je n'étais certainement pas la seule à être comme cela. Je regardais certains de mes élèves et je me disais qu’à quelque part, ils me ressemblent. Je leur ai expliqué, tout simplement, en disant : « Moi je n’aime pas écrire quand il n’y a personne qui me lit, je ne vois pas l’utilité et je ne suis sûrement pas toute seule comme cela. » Ensuite je leur ai demandé : « Qui pense qu’il serait un petit peu comme moi ? » Certains vont lever la main, d’autres non. Ils vont dire c’est plate, c’est difficile... Je leur dis alors : « J’ai une proposition à vous faire. » Je leur propose d’envoyer les projets d’écriture à d’autres écoles, à des amis de leur âge et je leur demande s’ils aimeraient être lus et recevoir des commentaires. Habituellement, ça soulève l’enthousiasme. Je ne pensais pas nécessairement à des élèves de l’école ici, car il n’y a pas d’autre troisième année. Je ne voulais pas non plus des élèves plus vieux, car je pressentais que les élèves de quatrième pourraient passer des commentaires négatifs. Ils ne le feront pas devant toi, ni devant l’enseignante de quatrième mais dans l’autobus, ou dans la cour d’école. Que tu le veuilles ou non, tu auras beau leur dire : « N’oubliez pas que vous avez déjà été en troisième... », tu en as toujours un ou deux qui vont dire : « C’est niaiseux ça ! » Alors, j’ai communiqué avec d’autres enseignantes de troisième année pour voir si ça les intéressait de recevoir des textes d’élèves, à apporter des commentaires, à les encourager...

La première fois que je l’ai fait, c'était assez tard dans l’année scolaire, au moment où j’ai senti un essoufflement épouvantable de la part de certains enfants. J’en avais trois ou quatre avec qui il n’y avait plus moyen de les faire écrire. Quand je parlais d’écriture, c’est tout juste s’ils ne se prenaient pas la tête à deux mains, l’air dégoûté avant de partir. Je pourrais dire mea culpa, je ne les ai pas intéressés, mais le mea culpa ne change rien par la suite. C'est le moyen que j’ai trouvé pour m’en sortir, de m’en sortir moi, tout en les aidant. Ça ne paraît pas, mais ils deviennent plus motivés et veulent mieux écrire, une habitude à prendre et à cultiver tranquillement. Donc, j’ai commencé il y a à peu près trois ans. J’ai commencé tranquillement. Cette année-là, on a peut-être envoyé deux textes, vers novembre et un autre, en février. Quand j’ai vu qu’il y avait des enfants que je n’étais pas capable d’aller chercher, qu'il n’y avait pas de vraie communication, que ce n’était pas signifiant (peut-être que moi aussi j'étais fatiguée de toujours les pousser...), alors j’ai envoyé des textes à une école près d'ici. Je connaissais l’enseignante là-bas. Les élèves de cette école ont lu les textes et ont apporté des commentaires. Ils ont renvoyé les leurs. Mes élèves avaient tellement hâte de recevoir les commentaires, ils en étaient très heureux. Chaque texte était lu par au moins trois élèves et derrière la feuille, ils écrivaient des commentaires. Les commentaires étaient pauvres, mais ce qu’on avait dit au début, c’est d’éviter tout commentaire négatif. C’était une consigne qu’on avait donnée aux enfants. Au début, c’était juste : « C’est beau, ton écriture est belle, le dessin est beau. » Quand les textes sont revenus, ils étaient très heureux. Quand je reçois une grosse enveloppe, je leur dis : « On a des nouvelles de nos amis. » Après, je remets les textes aux enfants, car je sais que l’autre enseignante les a vérifiés.

Le premier texte était intitulé « Quand j’étais petit ». C’est un texte que j’exploitais pour la première fois à la suite d’une lecture faite en classe. On l’a travaillé, on l’a corrigé, on l’a fait le plus beau possible. La motivation était que d’autres enfants de leur âge le voit. Par la suite, il en est parti un deuxième et là, on demandait des commentaires plus élaborés. Par exemple : j’ai beaucoup aimé ce mot-là dans telle phrase. Je leur disais : « C’est parfait de dire que c’est beau, que c’est bien écrit, mais il y a peut-être quelque chose que toi tu trouves plus particulier, ça peut être un mot ou une phrase, trouve quelque chose que seulement cet élève-là a pu faire. » C’est comme cela qu’ils en sont venus à dire des choses beaucoup plus précises. C’est ce qui a motivé des élèves qui ne voulaient pas écrire ou que je devais pousser... (1).

Maintenant ils discriminent, un peu plus, leurs commentaires et ils disent aussi des choses à améliorer. Très souvent, je vais agir comme cela, on dit quelque chose qu’on a aimé et quelque chose à améliorer, quelque chose d’assez précis, même si ce n’est qu’un mot. On leur demande de faire des commentaires un peu plus poussés. Un moment donné, ça peut aller jusqu’à une critique négative, mais qui est très constructive, quelque chose qu’ils pensent que l’autre ami devrait améliorer dans ses phrases. Je vérifie toujours pour que ce ne soit pas blessant. Ils vont écrire : « Tu emploies souvent le mot beau. » Cette façon vient en partie de moi, ça ne vient pas tout seul. Quand on fait la critique des textes, je leur dis : « Regarde, tu vois, il emploie souvent le même mot, tu pourrais lui dire. » Je leur demande quels mots il pourrait employer ; c’est profitable pour les miens qui doivent chercher des synonymes. Un autre exemple de commentaires : « Telle phrase, je n’ai pas trop compris ce que tu voulais dire. » Parfois, ils ne donnent pas de suggestions ; l’autre devra changer son texte. Idéalement, le résultat devrait être qu’à la suite des commentaires, les textes reviennent corrigés. Mais pour les miens, le bout de chemin qu’ils font est énorme, je considère que c’est beaucoup. Au début, il y en avait quelques-uns qui trouvaient cela difficile ou qui venaient me dire que l’autre n’avait pas raison. Certains enfants vont accepter les commentaires, mais au début, ils n’aimaient pas ça. Ça les froissait.

Cette année, on est peut-être rendus au troisième projet d’écriture. Je l’ai commencé très tôt. J’ai un bel exemple d'un élève qu'il faut motiver ; je vais vous parler de Benoît. Il n’aime pas écrire quand ce n’est pas utile. Par exemple, pour l’examen, je lui ai demandé : « Raconte ce qui s’est passé dans la maison magique. » J’ai demandé un certain nombre de mots. Il faut l'obliger, car s’il était capable de compter les points sur les i, il le ferait ! Il n’a pas beaucoup d’imagination et il a vraiment peu d’intérêt. Si tu as eu le malheur de mentionner que la maison magique était pleine de belles couleurs, il va répéter : « pleine de belles couleurs. » Il va répéter mot à mot ce que tu dis. Ça ne vient pas uniquement du fait qu’il ne lit pas tellement, car j’en ai un qui lit pas mal et si tu lui fais prendre un crayon pour écrire un texte, tu viens de l’attacher au poteau de torture. Ça demande des efforts, parce que, par la suite, il faut améliorer les phrases, il faut corriger, et comme tu présentes ton texte à quelqu’un d’autre, il faut soigner son écriture. Ce sont plein d’efforts et Benoît ne veut pas. Il est comme cela par tempérament et il faut une bonne motivation pour réussir à le faire embarquer. La motivation, pour moi, c’est très difficile. Il y a des enfants que tu vas motiver plus facilement en leur disant : « Oh ! cette phrase est bien écrite, tu serais sûrement capable d’en faire une deuxième. Lis ton texte à tes parents, ils vont être contents de toi. Essaie d’améliorer cette phrase, je suis sûre que tu es capable. » Il y a des enfants qu’on peut motiver ainsi. Pour d'autres enfants, je pourrais y arriver en restant à côté d’eux, en les encourageant constamment : « Continue, qu’est-ce que tu pourrais dire d’autre ? Tu es sur une bonne piste. Oui, tu pourrais parler de cela. Comment tu pourrais le dire un peu mieux ? » Il faut quasiment les accompagner, pas à pas, pour arriver à leur faire faire quelque chose. J’ai un autre exemple : Louis adore les dinosaures. Il va écrire que son dinosaure est beau et grand, c’est tout. Moi, là-dedans, je comprends qu’on n’a pas tous le même intérêt face à l’écrit. Ce sont des enfants qui, s’ils ne voient pas l’utilité, n’embarquent pas. Il faut les motiver par un projet, ils vont embarquer si d’autres enfants donnent leur appréciation de leur texte. Tu vas arriver plus facilement à les motiver, tu vas moins avoir à pousser dessus...

Par exemple, ce matin, ils écrivaient quelque chose pour la Fête des mères ; on avait lu un texte sur la Fête des mères. Louis a fait le minimum et pourtant, c’était sa mère.... On y est arrivés, parce qu’on a jasé, je lui ai expliqué que c’était un cadeau. Je leur ai expliqué comment moi-même j’adorais avoir de belles cartes. Louis et les autres, dans le même cas, ne sont pas des enfants qui écrivent au son ou qui s’en sortiraient plus au niveau de la correction. Ce n’est pas ça, c’est autre chose. Ils sont dans la bonne moyenne, mais s’ils n’avaient pas cette carotte au bout, ils pourraient être dans la moyenne faible. Pour nos projets d’écriture, les textes envoyés dans une autre école, c’est un peu moins pire. Ça devient plus facile pour ces enfants parce qu’ils savent que leur texte va revenir avec des commentaires derrière. Ça leur crée une motivation. Ils savent qu’ils vont avoir des commentaires des amis, ils se forcent et probablement parce qu’ils savent qu’ils vont être lus, ils éprouvent peut-être un certain plaisir. Tandis que la lettre de la Fête des mères, il y a juste la mère qui va la lire. Elle va être contente, mais il n’y aura pas de petits commentaires derrière le texte. La lettre ne reviendra pas.

Ceux pour qui l’écriture est un plus grand plaisir ne sont pas nécessairement des enfants performants. J’ai des élèves performants pour qui l’écriture n’est pas nécessairement une force. Ils vont écrire, mais au niveau de l’information, c’est moyen. Ils ne font pas de fautes d’orthographe ni de grammaire, la structure de phrases est bien faite, mais c’est au niveau de l’information. L’originalité, la qualité et la quantité des informations ne sont pas nécessairement poussées. Bien sûr, il y a des thèmes qui vont plus facilement les intéresser. En troisième année, ce n’est pas vrai que la lecture va influencer énormément leur écriture ; ça va venir avec le temps. Par contre, un enfant qui lit beaucoup aura plus de vocabulaire, mais le vocabulaire c’est social, ça dépend de la famille. Je pense que c’est plus lié au social. C’est sûr que la lecture va aider : plus tu vas lire, plus tu auras des phrases bien construites, car ils ont tendance à imiter. Mais ce ne sont pas nécessairement les performants. Par exemple, Julien a beaucoup d’imagination et cela se retrouve dans sa formulation de phrases. Au lieu de dire : « Maman, tes gâteaux sont très bons », il a écrit : « Quel superbe délice ton gâteau au chocolat. » Il aurait pu écrire : « J’aime ton gâteau au chocolat », tout simplement. Voici un autre exemple, il a écrit : « J’ai un secret à te dire, ton sourire est éclatant », une façon originale d’introduire la phrase : « J’ai un secret à te dire... » Il aurait pu écrire : « J’aime ton beau sourire », mais ce n’est pas comme ça qu’il l’a écrit. J’ai une petite fille aussi qui a ce genre de structure de phrase, pas exactement pareille, mais qui révèle une créativité plus grande. Ils aiment écrire et ils écrivent probablement à la maison.

Présentement, c’est là où j’en suis. Cette année j’en ai trois, Louis, Benoît et Julie, pour qui cette activité est très profitable, pour les autres aussi bien sûr. Je pense que pour certains, j’en serais peut-être venue à avoir de la difficulté à les faire écrire. Mais je n’ai pas eu à en arriver là. Ce ne sont pas toujours des textes, ça peut être des recherches. Il peut y avoir un projet d’écriture qu’on envoie, un autre qui est lu, entre eux. Par exemple, ils ont réalisé un projet lié à l’imaginaire : ils ont dessiné un oiseau inconnu. Dans le projet, ils étaient allés dans une jungle très profonde où ils ont découvert un oiseau. Ils l’ont dessiné et après ils l’ont décrit : ses habitudes, ce qu’il mangeait (parce qu’il devait manger des choses spéciales). J’avais eu l’idée de ce projet pour aller chercher plus leur imagination. Ensuite, ils décrivaient le voyage. Quand tout cela a été fait, corrigé, réécrit au propre, ils partaient avec leur cahier et se l’échangeaient entre eux. C’est un autre type d’activité que je vais faire... Je mentirais en disant que c’est facile de les faire écrire tout le temps. Mais comme le projet de l’oiseau, ils ont trouvé cela plaisant ; ils le voyaient, ils le décrivaient, ça allait bien. Une autre fois, j’ai rassemblé tous leurs textes dans un portfolio, je les avais avertis avant que ces textes iraient se promener dans toutes les maisons. À la fin, il y a une feuille de commentaires pour les parents. Ça permet aux parents de prendre conscience jusqu’à quel point ils peuvent pousser leur enfant, jusqu’où aller. Normalement, les parents aiment beaucoup cette activité.

Dans un autre projet, ils ont fait une recherche sur un animal bien précis : les jaguars, les léopards, des exemples comme cela. Ils devaient prendre un livre de la maison ou de la bibliothèque. Ils ont choisi des livres de recherche et ont préparé leur texte en classe. Une autre motivation dont je me sers, c’est l’ordinateur ; ils vont écrire leur texte à l’ordinateur. Pour la recherche sur les animaux, je leur ai montré un logiciel spécial, une base de données. Ils mettaient le nom et différents renseignements avec un dessin. Ils pouvaient faire un cadrage et la fiche de l’animal. On a un local de quinze ordinateurs ; je sépare le groupe en deux. On a envoyé ce projet à l’autre école, la semaine dernière. On n’a reçu aucune nouvelle encore. Je ne croirais pas recevoir des commentaires très élaborés, car ce n’est pas comme un texte ; ce sont plus des textes informatifs sur un animal qui est moins connu. Il faut préciser de choisir un animal moins connu, car il n’y a pas d’intérêt à lire ce que tu sais déjà sur les chiens ou les chats. J’avais fait cette activité l’an dernier, mais cette année je l’ai poussée un peu plus. D’année en année, j’améliore les projets, car certaines activités ne fonctionnent pas aussi bien. Par exemple, j’avais le projet d’un conte de Noël et je ne sais pas pourquoi, ils n’ont pas embarqué. Je voulais qu’ils écrivent une histoire qu’on avait dans le volume de lecture. Souvent, je vais amener le projet à partir de la lecture de notre volume. C’était l’histoire d’un monsieur qui voulait acheter un cadeau à son chat. À partir de là, je leur ai dit : on pourrait en inventer une, nous aussi. Ça n’a pas donné les résultats escomptés, je m'y suis prise peut-être un peu tard... En tous les cas, ça a fini que l’histoire ressemblait à celle qu’on avait lue. Ils ont travaillé à deux. Je ne les fais pas souvent travailler à deux. J'ai préparé l’activité de la même façon, en sortant des idées, en mettant un plan au tableau, avant de commencer, le titre, l’introduction, le développement, comment se termine ton histoire, etc. C’était très près de Noël. C’était peut-être aussi dans la présentation, ça n’a pas très bien fonctionné. Je me disais qu’on le montrerait aux autres équipes, mais on n’a pas eu le temps ; on a vraiment été pris dans le temps.

Le premier projet d’écriture qu’on a fait cette année, c’était « Qui suis-je ? » C’était en septembre. Ils se décrivaient et ne devaient pas signer leur nom. Une petite description physique, deux ou trois choses, ensuite, une qualité qu’ils pensent avoir et ce qu’ils aiment. Ça fait environ cinq ou six renseignements sur soi. Après, on les a étendus sur la corde à linge et il y avait des numéros derrière. Ils devaient essayer de retrouver de qui il s'agissait. Ils gagnaient ou perdaient des jetons s'ils n’arrivaient pas à identifier la personne. Les feuilles étaient toutes pareilles et je les avais collées sur des cartons de couleur. Ils ne savaient pas le numéro que je leur avais donné. Puis, je leur ai donné comme consigne de se prendre une petite tablette sur laquelle ils pourront écrire les numéros qu’ils ont pris. J’ai mis les textes un peu partout dans la classe, car il y a beaucoup d’élèves. Ensuite, au signal (j’ai une cloche), ils vont chercher des textes et les lisent ; ils essaient de deviner. Ils attendent mon autre signal et vont en chercher un autre ; ils n’ont pas de numéros attribués. Ils adorent cette activité. Je l’avais faite l’an passé et ça avait bien fonctionné. D’année en année, tu améliores des choses. Tu vois ce qui a moins bien fonctionné. Si tu vois, dans la gestion de l’activité, que tu vas finir par fondre en larmes, tu ne le fais plus.

Même moi, je suis parfois épatée. Par exemple, il y a un projet qui a soulevé l’enthousiasme, il n’y a pas longtemps. On fait partie d’un projet sur l’environnement, l’école Bruntland, et on a reçu le trophée « Tout paix. » On est la seule école élémentaire de la région de Québec qui l’a eu. On a fait une pièce de théâtre sur la non-violence. On va aussi sortir une bande dessinée sur la non-violence ; c’est un projet de l'école. Après le projet Bruntland, on avait un texte en lecture, dans le volume, il y avait une enquête qu’ils devaient faire auprès des autres élèves pour voir comment ils respectaient l’environnement. Ils sont allés enquêter en deuxième et en quatrième années. Ils allaient poser des questions sur les habitudes concernant l’environnement, des questions bien précises que j’avais préparées avec eux comme, par exemple : « Est-ce que ça vous arrive de jeter des papiers par terre ? Oui, non ou de temps en temps. » Ils cochaient les réponses, comme un vrai sondage. Ils interrogeaient deux autres enfants, un de deuxième et un de quatrième, après y avoir répondu eux-mêmes, ce qui faisait trois répondants, donc 27 fois trois. On a regardé nos résultats, je les ai écrits au tableau et on a fait la compilation. J’ai mis le questionnaire sur acétate, je l’ai projeté au tableau. On a pris les questions, une à une, et je demandais aux enfants combien avaient répondu ; c’est comme cela que nous avons compilé les résultats. J’aurais bien pu les compiler moi-même, mais il faut être logique aussi : est-ce que je vais sortir d’ici à 10 heures le soir ? Puis, dans le fond, ça leur permettait de voir les résultats, au fur et à mesure.

À la suite de leur enquête, ils ont vu des choses à améliorer au niveau de l’école. Il y avait, par exemple : « les papiers par terre à ramasser » ou encore « je m’accroche souvent aux branches d’arbre. » Je leur ai demandé ce qu’on pourrait faire pour donner suite à ces résultats. On a décidé ensemble, ils m’ont donné des idées et ils ont choisi le projet qu’ils voulaient réaliser. Après, ils se sont regroupés en équipes. J’en ai deux qui ont proposé d’écrire une lettre à la direction demandant de placer des poubelles sur le plan de cour d’école. Ils ont composé la lettre, ils se sont corrigés, ils ont trouvé des arguments. Il fallait qu’ils trouvent des raisons pour avoir des poubelles. Je leur ai dit : « Il faut des arguments. » Les autres ont donné un peu leur avis, mais pas trop longtemps, parce que ça aurait été trop long. J’en ai d'autres qui ont fait des affiches. On peut les voir dans le corridor de l’école, de magnifiques affiches, avec un message. D’autres ont composé un texte pour aller lire dans les autres classes. Ils ont choisi dans quelles classes ils voulaient aller, ce n’est pas moi qui les ai obligés. Il y en a qui sont allés en cinquième et sixième, d’autres en deuxième et quatrième, etc. Ce projet a soulevé beaucoup d’enthousiasme. Ils étaient deux dans les équipes. En troisième année, je fais des équipes de deux, pas des équipe de trois, parce que j'ai observé qu'à trois, il y en a un qui est à part, qui ne fait plus rien et qui regarde les autres. À deux, il faut qu’ils se prennent en charge, ça va bien. En troisième année, des équipes de deux, je trouve que c’est déjà pas mal. Ça peut arriver que je les fasse travailler dans des plus grandes équipes, mais ce n’est pas souvent.

Je considère que ce projet était une réussite, mais il servait à quelque chose. Il a duré environ une semaine, le temps de rédiger, de corriger et ensuite d’aller présenter. Quand on en a parlé après le sondage, ils avaient hâte de le faire. Alors, je leur avais dit : « Demain matin en arrivant, on le commence. » Le lendemain ils me l’ont demandé : « Est-ce qu’on le fait ? » Dans ma tête, je ne devais pas retarder ce projet parce qu’ils avaient le goût de le réaliser. Je pouvais jouer sur une partie de l’horaire, par contre, je ne le laisserais pas ouvert, parce qu’avec une période de temps trop longue, ils vont se tanner. Ils ont huit ou neuf ans. Il ne faut pas arrêter non plus quand ils sont en plein milieu, quand ils sont en train de monter les idées, de les bâtir, de les développer, je vais même accorder plus de temps. Je vais séparer la partie création de la partie réalisation. Tu as tes idées, tout est bien clair dans ta tête, tu es prêt à le réaliser, OK ! On peut commencer la réalisation, mais il se peut que tu aies à terminer la réalisation demain. Parfois je dois les pousser pour finir. Je leur dis qu’ils ont décidé eux-mêmes, donc ils vont jusqu’au bout ; ils ont des obligations. Comme cette fois-là, le beau Louis, il avait vu trop grand. Quand il est arrivé à la réalisation, avec son coéquipier, Maxime, ils ont fait une affiche, mais elle était écrite beaucoup trop grosse et de manière inégale. Ils ont été obligés de la reprendre. Je les ai laissés faire un bout, je circulais entre les équipes, quand j’ai vu ce que ça donnait, je leur ai demandé si c’était présentable. Ce n’était pas présentable et ils ont été obligés de reprendre. Ils auraient eu le goût de lâcher, probablement, mais ils étaient engagés et le projet, ils devaient le rendre jusqu’au bout. Il faut dire que ce ne sont pas des projets qui demandent exactement le même temps pour tout le monde. L'affiche, c’est assez long, mais composer les textes aussi ; ils devaient se pratiquer pour être capables de bien le lire et certains ont ajouté des dessins. On en a reparlé, on en fera peut-être un peu plus tard. Ils aimeraient en refaire d’autres. Je leur ai dit qu'un peu plus tard, ce serait différent ; on ne pourrait pas refaire la même chose. L'idée de tels projets me vient quand je regarde les thèmes de lecture et pour celui-là, je savais qu’il y avait de grosses chances que ça les intéresse. Normalement, je l’aurais peut-être fait plus tard mais à cause du trophée « Tout paix », c’était le temps. C’était un bon timing. Au début de l’année, ils avaient nettoyé toute la cour d’école, pour la rendre propre. Et puis, les quatrièmes venaient encore de la nettoyer ; c’était un moment propice.

Il faut être réaliste, ce n’est pas facile de les intéresser, de rendre l’écriture significative. Il faut qu’il y ait d’autres motivations, il faut que tu t’en trouves. Ce n’est pas nécessairement facile (2). C’est facile pour une minorité ; moi je dirais que c’est facile pour environ 30% de la classe. Il y en a pour qui ce n’est pas difficile, sans être facile non plus. Pour d’autres, c’est difficile. Tu ne fais pas un effort pour améliorer une phrase si elle n’est jamais lue par personne. C’est ce que je pense. Si elle est lue seulement par ton enseignante ou tes proches, ce n’est pas suffisant. Il faut créer des événements. Selon moi, il faut rendre l’écriture la plus signifiante possible. Il faut absolument que ce soit lu par les pairs, pas seulement dans la classe mais aussi à l’extérieur.


1- L'enseignante nous explique comment elle se ressource

Peut-être qu’en étant habituée à être toute seule, je me suis adaptée. C’est sûr que, de temps en temps, je vais en parler un peu, mais il n’y a rien de bien précis au niveau de la commission scolaire. La dernière fois, on se rencontrait sur les stratégies pédagogiques en lecture, puis, il y a de grosses chances qu’on perde nos conseillers pédagogiques en français. Il y a un gros travail à faire au niveau de l’écriture ; au niveau de l’écrit et des enfants, le domaine est assez vierge. Je pense qu’il ne se fait pas grand chose. Quelquefois, je vais regarder des nouvelles méthodes, par exemple « Capsule » ou d’autres méthodes de lecture. Je vais regarder ce qu’ils proposent, comment ils font. Mais, bien souvent, tu n’as même pas le guide du maître, tu as juste les petits spécimens. Puis, il y a une autre réalité qu’il ne faut pas nier, tu mènes toutes les matières. Ça, il ne faut jamais l’oublier : tu mènes les mathématiques, les sciences humaines, les sciences de la nature, l’ordinateur... Ce que je veux dire, c’est que tu as beaucoup de préparation à faire. Moi, je vais lire, je vais en lire des petits bouts, mais je ne peux pas m’asseoir et dire je passe trois heures pour lire sur un projet. Le soir, je regarde ce que je vais faire le lendemain, je planifie un peu. Un moment donné, j’ai travaillé beaucoup sur l’ordinateur, sur un logiciel d’écriture. J’ai appris, toute seule, sur le tas, je voulais le posséder pour le montrer aux enfants. C’est une autre façon de les motiver pour écrire, parce que c’est un logiciel qui est bien conçu, dans lequel il y a des dessins, un petit dictionnaire d'orthographe et un petit dictionnaire de synonymes. J'étais avec une collègue, on a donné un perfectionnement aux enseignants de troisième année de la commission scolaire, au niveau de ce logiciel. Je donnais de la formation avec ma collègue et avec l’aide du conseiller pédagogique, car nous l’avions utilisé avec les enfants.

2- Le problème de la motivation ne se pose pas de la même manière dans les autres matières

La motivation est plus présente pour les mathématiques et ils aiment cela. Ça ne se fait pas plus facilement, mais c’est concret, il n’y a pas de longues explications ; tu appliques. Tandis qu’au niveau du français, c’est plus long et abstrait. Quand tu parles de verbes en troisième, c’est abstrait, ce n’est pas évident. Le français c’est beaucoup, beaucoup abstrait. Tu vas avoir une bonne représentation chez les bons lecteurs, ils y vont avec le contenu. D’autres enfants ont besoin de références très simples. Bien sûr ils n’apprennent pas tous de la même façon, il y en a que c’est global, d’autres que c’est séquentiel.